Faute de mieux…

Nous avons tous en mémoire l’un des événements les plus impressionnants de l’année dernière. Je veux parler de l’afflux incessant, dans le plus grand désordre, de centaines de milliers de réfugiés et de migrants traversant une bonne partie de l’Europe pour arriver dans le pays de leur choix.

Nous nous souvenons aussi de l’attitude d’Angela Merkel déclarant haut et fort que les frontières de l’Allemagne étaient ouvertes et que les réfugiés y étaient les bienvenus. Surpris et même souvent dépassés par le nombre d’arrivants, beaucoup de pays, dont le nôtre, ont mis quelque temps à mettre en place un dispositif d’accueil et de prise en charge. Mais, globalement, l’ambiance était à l’accueil, les médias débordaient d’humanisme, les résistances dans certaines communes ont été vite surmontées.

Aujourd’hui, les choses ont changé. Elles ont changé au point de conduire l’Union européenne à négocier un accord avec la Turquie pour tenter de mettre n à l’arrivée de nouveaux réfugiés sur le territoire grec.  Comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les raisons de ce changement assez radical ?

Les pays les plus accueillants, c’est-à-dire ceux qui ont accueilli le plus de réfugiés – l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, le Danemark – se sont progressivement rendu compte que leurs capacités d’accueil étaient saturées. Ils ont, les uns après les autres, réintroduit des contrôles aux frontières et ont même, pour certains d’entre eux, xé des quotas journaliers à ne pas dépasser. Les pays les plus réticents – la plupart des pays de l’Est européen, à commencer par la Hongrie – ont, quant à eux, pris des mesures plus radicales. Ils ont purement et simplement déployé des barbelés à leurs frontières pour interdire l’accès à leur territoire.

L’Europe de la libre circulation s’est ainsi progressivement transformée en un patchwork de camps retranchés et de zones à accès contrôlé. De ce fait, la Grèce, déjà à genoux pour des raisons budgétaires, se trouve aujourd’hui dans une situation dramatique. Compte tenu de la faible distance maritime qui sépare les deux pays, c’est sur son territoire que les réfugiés, partis des côtes turques, continuent d’accoster nuit après nuit. Mais une fois arrivés sur les îles grecques, ils sont irrémédiablement coincés, parce que les routes de passage vers le centre de l’Europe se hérissent de grillages en Bulgarie, en Macédoine et bientôt en Albanie. Si rien n’est fait, avant la belle saison, la Grèce est condamnée à devenir un immense camp permanent pour des centaines de milliers de réfugiés.

Pouvons-nous accepter que tous les jours des gens prennent le risque de mourir en mer pour aboutir dans une nasse ? Pouvons-nous supporter plus longtemps que les ma as de passeurs qui eurissent sur le littoral turc dépouillent sans vergogne les réfugiés ? Pouvons-nous prendre le risque de voir la construction européenne minée de l’intérieur par la montée en puissance des partis d’extrême-droite ? Pouvons-nous regarder sans broncher les meilleurs acquis de l’Union européenne sombrer dans les lets des barbelés ?

L’Union européenne devait réagir. Elle vient de le faire. La négociation qu’elle a conclue avec la Turquie peut être résumée de manière très simple : en échange d’un prix très élevé (6 milliards d’euros, libéralisation des visas, revitalisation des négociations d’adhésion) la Turquie assumera la charge de tous les réfugiés qui transitent par son territoire. Depuis le 20 mars, tous les migrants débarquant en Grèce en provenance de la Turquie, y seront renvoyés dans le respect des normes internationales. Toutefois, 72.000 réfugiés syriens pourront béné cier d’une relocalisation sur le territoire de l’Union, dans le cadre de l’accord « un pour un ».

Personne ne pavoise devant cet accord. Mais personne non plus n’a trouvé à ce jour une alternative praticable, respectueuse des personnes, et capable, du moins on l’espère, d’éviter la dislocation de l’Union.

Si vous avez une meilleure idée, n’hésitez pas à le faire savoir…

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