L’Europe face à la menace terroriste : quelles sont les mesures envisageables ?

Les récents attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, des policiers et des citoyens juifs à Paris, le retentissant coup de filet antiterroriste en Belgique et les autres actions menées ces derniers jours en Allemagne et ailleurs ont été un véritable électrochoc pour l’Europe. Tous les Etats membres sont concernés. Le terrorisme représente une menace pour la sécurité, la liberté et les valeurs de l’Union européenne et pour l’ensemble de ses citoyens. Pour cette raison, l’Union européenne doit apporter une réponse appropriée et adaptée pour lutter contre ce phénomène.

Le 19 janvier, les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis pour mieux coordonner leur action contre le terrorisme. Le 12 février, il y aura un sommet européen au sujet de la lutte contre le terrorisme.  Dans l’intervalle, la semaine prochaine, le Parlement européen s’empare également de la question. Des représentants de la Commission présenteront aux députés de nouvelles mesures européennes de lutte contre le terrorisme, lors de la mini-session plénière qui se tiendra mercredi prochain à Bruxelles. La veille (mardi 27 janvier), le commissaire Dimitris Avramopoulos, le coordinateur de l’UE pour la lutte antiterroriste Gilles de Kerchove ainsi que des représentants du réseau de sensibilisation en la matière (Raising Awareness Network) informeront la commission des affaires intérieures sur la « dé-radicalisation » et les combattants étrangers.

J’interviendrai dans la discussion pour exposer les mesures qui me semblent opportunes. En voici les principales :

Renforcement du SIS II rendant obligatoire pour les EM la transmission en vue du signalement des personnes suspectées de terrorisme

Le système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) facilite l’échange d’informations entre les autorités nationales chargées des contrôles aux frontières, les autorités douanières et la police, concernant les personnes susceptibles d’avoir participé à des actes criminels graves. Il contient également des signalements se rapportant à des personnes portées disparues (notamment des enfants).

Les données enregistrées dans le SIS II sont introduites, mises à jour, supprimées et consultées par l’intermédiaire des différents systèmes nationaux. Il n’y a par contre aucune obligation de signalement. Le choix est donc totalement laissé à la discrétion des EM. 

Il serait à mon avis nécessaire de rendre obligatoire le signalement des personnes condamnées ou suspectées de terrorisme. 

Renforcement des contrôles aux frontières extérieures de la zone Schengen pour les ressortissants de l’UE

L’article 7 du Code Schengen dispose qu’au moment de franchir les frontières extérieures, les ressortissants de l’UE sont soumis à des contrôles minimaux (vérification de l’identité).

Il serait utile de prévoir que les contrôles aux frontières extérieures pour les ressortissants de l’UE impliquent aussi l’utilisation des données enregistrées dans le SIS II.

A titre d’illustration, il y avait en septembre 2014 environ 3.000 djihadistes européens en Syrie et en Irak (chiffres du coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme). Ces combattants viennent pour la plupart de France, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas, de Suède, du Danemark, d’Espagne, d’Italie, d’Irlande et d’Autriche. Si ces personnes étaient signalés dans le SIS II et que les contrôles étaient un peu plus poussés, nous aurions là un outil efficace de renforcement de la lutte anti-terroriste.

– Système d’entrées et de sorties 

Actuellement, seul le tampon apposé sur le passeport des voyageurs permet de savoir depuis quand une personne est entrée dans Schengen. Mais ce système ne nous permet par contre pas de savoir qui est ou n’est pas, à un moment déterminé, présent dans notre espace. 

La Commission avait envisagé d’adopter une série de mesures regroupées dans le « Smart Borders Package ». Elle a récemment annoncé vouloir revoir ces mesures mais le projet initial prévoyait la mise en place d’un système d’entrées et de sorties de la zone Schengen permettant de savoir qui est ou n’est pas dans l’espace Schengen. 

Ce système d’entrées et sorties me paraît utile voire nécessaire pour les possibilités de croisement qu’il offre avec les données figurant dans le SIS II. Actuellement, ce n’est que sur une base subjective et aléatoire que les services douaniers consultent le SIS II. Sans portrait-robot ou identification claire et nette, des présumés terroristes peuvent quitter l’espace Schengen sans que l’on puisse en être informé. Avec un système d’entrée et sortie, le scanning du SIS II pourrait être rendu systématique. 

Le PNR peut bien entendu lui aussi contribuer à la lutte contre les « Foreing Fighters » et c’est une autre mesure que j’encourage mais le PNR ne pourrait à lui seul nous informer de la présence ou non dans l’espace Schengen car comme il est utile de le rappeler, le PNR ne concerne que les personnes franchissant les frontières extérieures par avion. Il suffirait donc que la personne entre dans Schengen par voie terrestre ou maritime pour que nous n’en sachions rien. 

Harmonisation des conditions de sortie de la zone Schengen pour les mineurs ressortissants de l’UE

Le Code Schengen prévoit que les garde-frontières doivent s’assurer que les mineurs ne quittent pas le territoire contre la volonté de la ou des personne(s) investie(s) de l’autorité parentale à leur égard. Cette disposition, qui apparaît dans les annexes du Code Schengen, n’est probablement pas suffisamment claire et contraignante. Peut-être faudrait-il harmoniser les dispositions à l’égard des mineurs EU et rendre obligatoire l’autorisation parentale de quitter le territoire. Sinon, il suffirait qu’un seul EM n’applique pas cette formalité pour que tous les autres Etats se retrouvent dans l’impossibilité de garantir que l’un de leurs citoyens mineurs ne puisse franchir une frontière extérieure de l’UE sans l’accord des tuteurs légaux. 

Mise en place au sein de l’UE d’un service spécialisé dans le « Cyber-terrorisme » et d’une meilleure collaboration avec les opérateurs et fournisseurs d’accès internet

Suite aux attentats survenus à Paris au début 2015, la France a prévu le blocage des sites de propagande djihadistes et leur dé-référencement sur les moteurs de recherche. 

Mais une grande partie de la propagande et du recrutement djihadiste s’opère à partir des réseaux sociaux et les États membres seuls ne pèsent malheureusement pas bien lourd face aux géants du Net. Je suis convaincu que les institutions européennes et la Commission devraient rapidement prendre une initiative avec les opérateurs et fournisseurs d’accès internet et les gestionnaire des réseaux sociaux afin de mettre sur pieds un dispositif qui permette de lutter contre les messages de haine et d’appel à la violence, le recrutement de combattants et la radicalisation à des fins terroristes. 

La France et plusieurs autres pays ont également annoncé vouloir recruter de plus en plus d’experts en « cyber-terrorisme ». Nous avons une guerre à livrer contre le terrorisme et une partie substantielle de cette guerre va se jouer sur internet. Or, le cyberespace ne connait pas de frontière. Sa sécurisation ne dépend donc pas d’un État membre en particulier, ce qui devrait permettre à l’UE de prendre des mesures pour assurer la sécurité de cet espace. Plutôt que de laisser chaque EM se débrouiller comme il peut et se battre seul contre l’infiltration du terrorisme sur internet, ne serait-il pas préférable de regrouper ces forces d’expertises et de mettre sur pieds un service européen d’experts contre le « cyber-terrorisme » ?

Production des discours de contre-propagande et veille sur le web 

Je pense également qu’il ne serait pas inutile que nos forces de sécurité puissent faire de la veille sur internet et produire des discours de contre-propagande.

Le système existe déjà en Finlande. Il fait actuellement l’objet d’un projet pilote en Belgique qui constitue la première étape d’un programme européen à mettre en œuvre dans chacun des EM pour neutraliser l’infiltration du terrorisme sur internet.

Élargissement des méthodes particulières de recherche 

Peut-être faudrait-il également analyser les méthodes particulières de recherches utilisées dans les différents EM et réfléchir à une harmonisation et à un cadre élargi d’utilisation dans certains cas, notamment pour les cas de suspicions de terrorisme. 

Fin des accords bilatéraux d’exemption de visa 

La refonte du Code visa proposé par la Commission EU prévoit la fin des accords bilatéraux d’exemption de visa dans les 5 ans à compter de l’entrée en vigueur du nouveau règlement. 

Actuellement, les ressortissants de certains EM sont dispensés de visa pour se rendre dans certains pays tiers, alors que ce visa est obligatoire pour les citoyens d’autres EM. Il y a là une anomalie qui doit être corrigée en vue du renforcement des moyens de contrôle des filières de recrutement des terroristes.

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