Cyberprédation : il reste encore beaucoup à faire pour la protection des mineurs sur le web!

En ce 25ème anniversaire de la Convention sur les Droits de l’Enfant, je souhaite attirer l’attention de l’ensemble du Parlement Européen sur une préoccupation  qui me semble essentielle : la protection des mineurs dans le cyberespace.

La Convention sur les Droits de l’Enfant indique que « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance. »

En effet, dans la plupart des législations des Etats membres, les enfants sont reconnus comme « des personnes vulnérables qui bénéficient à ce titre de protections particulières ».

Dans le monde “réel“, il est possible de vérifier d’une part le statut de mineur, d’autre part le fait que le mineur  dispose de l’autorisation parentale pour accomplir des actes de nature à engager sa responsabilité. Il est donc possible d’empêcher à un mineur d’accéder à des activités qui lui sont interdites, comme la pornographie par exemple.

En revanche, dans le cyberespace, la virtualité et l’anonymat ne permettent pas aussi aisément l’identification  d’un mineur. Dès lors,  les mécanismes les plus évidents de protection des mineurs sont difficiles à mettre en œuvre.

Or, vu l’ampleur de la cybercriminalité contre les mineurs, il me paraît urgent de réfléchir à une meilleure codification du statut de mineur dans le cyberespace. Il faudrait peut-être envisager une collaboration plus poussée avec les internet providers afin que les comptes utilisateurs des mineurs puissent être identifiés comme tels partout sur internet (par une signalétique, un code couleur, l’apposition d’une vignette ou par un autre moyen) afin que, puissent être mis en œuvre les dispositifs juridiques visant à leur protection mais également afin que l’adulte qui entrerait en contact avec un mineur le sache et puisse prendre toutes les précautions nécessaires.

Quelques chiffres : En 2010, le réseau scientifique européen a réalisé l’enquête « EU Kids Online », financée par le programme de la Commission européenne « Safer Internet ». Dans 25 pays européens, plus de 25.000 enfants utilisateurs d’Internet âgés de neuf à seize ans ainsi que leurs parents ont été interrogés. Les résultats révèlent que l’usage d’internet fait désormais bel et bien partie de la vie quotidienne des enfants : 93% des 9-16 ans vont en ligne au moins une fois par semaine et 60% le sont tous les jours ou presque tous les jours. 59% des 9-16 ans ont un profil sur un réseau social, et 26% ont un profil public accessible à tout le monde. Les enfants sont également en ligne de plus en plus jeunes : l’âge moyen du premier accès est de sept ans au Danemark et en Suède et de huit ans dans plusieurs autres pays d’Europe du Nord.

Il ressort également de cette enquête que les accès à Internet se diversifient : si 87% des jeunes utilisent internet à la maison49% le font dans leur chambre et 33% via un téléphone mobile ou un autre appareil portable (comme une tablette).

Les jeunes sont donc des utilisateurs hyperactifs des technologies en ligne. Dans bien des cas, ils sont d’ailleurs les premiers à les assimiler et à les utiliser. Il est évident que ce phénomène va aller en s’amplifiant.

On le constate : l’environnement en ligne offre aux enfants de nombreuses possibilités d’interactivité et de participation.  Mais cela signifie aussi qu’ils doivent poser des choix qui ne s’offriraient pas à eux normalement et qui, dans bien des situations, ont une incidence concrète sur leur propre sécurité car les risques dans l’environnement en ligne et hors ligne convergent. Même si la plupart des enfants et des adolescents sont plus ou moins conscients de ces risques, ils ne prennent pas nécessairement les précautions qui s’imposent.

D’après les chiffres fournis par la Commission européenne, quatre enfants sur dix signalent avoir été exposés à des risques alors qu’ils étaient en ligne. Des risques tels que le harcèlement , l’accès à des contenus promouvant l’anorexie ou l’automutilation, ou encore, le détournement de leurs données personnelles.

Sur base de ces chiffres et des constats qui en découlent, l’UE a cherché  à prévenir ces risques et à protéger la sécurité des enfants en ligne par l’adoption, en 2011,  d’une directive demandant aux États membres de prendre des mesures nécessaires pour que soit punissable la sollicitation en ligne d’enfants à des fins sexuelles : le « grooming ».

Cette directive est malheureusement bien loin d’être suffisante. En effet, bien que, dans le cas de la manipulation de mineurs sur internet, l’intention criminelle soit souvent de commettre un abus sexuel, le leurre et la manipulation de mineurs peuvent avoir différentes finalités. Le cyberprédateur peut manipuler sa proie en vue d’une agression sexuelle, d’exhibitionnisme, de pornographie juvénile, de proxénétisme mais également en vue d’un enlèvement, d’une agression physique, d’une incitation à la haine, d’un recrutement à des fins terroristes, d’un recrutement sectaire, d’un détournement de données personnelles ou de celles de ses parents, etc.

La cyberprédation recouvre l’utilisation d’Internet dans le but de communiquer en ligne avec des jeunes d’âge mineur et de les manipuler dans un but criminel.

Les cyberprédateurs utilisent plusieurs ruses pour entrer en contact avec les mineurs sur Internet. Ils se créent notamment de fausses identités pour participer à des discussions sur les forums et les réseaux sociaux.

C’est pourquoi, tout comme l’ont déjà fait le Canada, les États-Unis et la Belgique, il serait également opportun que l’UE adopte une directive demandant au États membres de prendre les mesures nécessaires pour que toute forme de cyberprédation soit punissable et non uniquement celles à des fins sexuelles.   

Je voudrais profiter de l’occasion que nous offrele 25ème anniversaire de la Convention sur les Droits de l’Enfant pour passer un message : il reste beaucoup à faire !  Nous devons trouver les moyens de protéger les mineurs sur internet tout en leur laissant une grande liberté d’utilisation. Nous savons tous qu’ils sont nombreux à être en ligne et nous savons tous que le cyberespace est loin d’être un endroit sûr pour eux. Il y a certes la responsabilité parentale mais il est essentiel que l’UE ne ferme pas les yeux sur un problème majeur et qu’elle prenne les mesures de protection nécessaires pour que son espace de liberté, de sécurité et de justice puisse également s’appliquer à ses citoyens dans le cyberespace.  

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