Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) compte parmi les projets actuels de l’Union européenne suscitant le plus de discussions. J’ai rarement assisté à un débat public et politique aussi animé autour d’un projet de traité.
Pour ceux qui ignorent ce dont il s’agit, le TTIP est un accord commercial (en cours de négociation) entre l’Union européenne et les États-Unis prévoyant la création d’une zone de libre-échange transatlantique. Il y est question d’abolition des droits de douane, d’harmonisation des normes, d’accès élargis aux marchés publics, etc.
Si le projet aboutit, il instituera un marché commun de 820 millions de consommateurs, c’est-à-dire 45,5% du PIB de la planète et un échange commercial sur trois.
L’intérêt des USA à conclure ce traité est évident : les américains cherchent des alliés face aux géants asiatiques. Mais ils veulent aussi consolider leur position et renforcer le bloc occidental face à la Russie en créant une espèce d’ « OTAN économique ».
Mais en Europe, qu’en est-il ? Les défenseurs du traité affirment que cet accord est vital pour l’Europe, qu’il dopera la croissance et les exportations des deux côtés de l’Atlantique, que si l’Europe ne veut pas voir des puissances émergentes comme la Chine et l’Inde lui imposer ses propres standards, elle doit s’allier aux USA pour imposer des standards communs et que si nous ne concluons pas cet accord, la prochaine génération n’aura plus la position de force que nous avons aujourd’hui sur le marché international.
Face à eux, les critiques soutiennent (notamment) que le TTIP est un mauvais choix pour l’Europe, qu’il augmentera le pouvoir des entreprises face aux États et qu’il compliquera la régulation des marchés. Ils fustigent l’opacité des négociations et dénoncent les risques entourant l’harmonisation des normes (particulièrement les normes sociales, sanitaires et environnementales) ou le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats par arbitrage (ISDS). Ils s’inquiètent également de l’asymétrie du TTIP et affirment qu’un tel traité se ferait à l’avantage exclusif des USA et au détriment de l’Europe.
Je ne siège pas dans la commission compétente sur ce dossier (INTA), mais le sujet m’intéresse énormément en tant que député européen et comme tous les citoyens, je me sens concerné par ce traité. Je ne cache d’ailleurs pas que je partage un certain nombre des préoccupations et des inquiétudes exprimées par les uns et les autres.
Pour l’instant, je suis très attentivement les négociations en cours. Le moment venu, lorsqu’il faudra voter le traité au Parlement européen, je prendrai mes responsabilités en toute indépendance, comme j’en ai l’habitude.
Dans l’intervalle, toutes les discussions en cours et celles qui s’annoncent ne peuvent qu’être compliquées parce qu’elles sont techniques, que les aspects qu’elles recouvrent sont de toute première importance. Le diable est dans les détails, dit-on. Il faudra donc être extrêmement rigoureux dans l’évaluation de tous les aspects couverts par les négociations.
Sur les effets attendus du TTIP, plusieurs études ont été réalisées. Certaines évoquent une (légère) augmentation du PIB. D’autres misent plutôt sur une progression de 120 milliards d’euros supplémentaires pour l’Europe chaque année. D’autres anticipent au contraire une instabilité financière, des destructions d’emplois, etc. A ce stade, je ne peux que constater le télescopage des différentes études dont j’ai pu prendre connaissance.
Je constate au demeurant que dans la méfiance qui entoure le TTIP, il y a aussi tout le problème de la perception du public à l’égard du fonctionnement des institutions européennes. L’Europe n’inspire d’emblée plus confiance aux citoyens; spontanément, le public part avec la conviction que l’Europe est enfermée dans un rapport asymétrique, qu’elle est divisée et déstabilisée face à une Amérique unie, prospère et poussée dans le dos par ses nombreuses multinationales.
Sans préjuger de l’issue des négociations et du vote du Parlement, il me semble qu’il y a plusieurs aspects qu’il faut mettre en avant :
C’est en tenant compte des réponses que le traité apportera à ces trois préoccupations fondamentales que je déciderai de le voter ou de le rejeter.