Gérard Deprez / rapporteur / 21 octobre à 18h09
Madame la Présidente, normalement le rapport sur le projet de budget rectificatif n° 2/2014 que je vous présente n’aurait dû être qu’une formalité. En effet, comme le prévoit le règlement financier, la Commission présente chaque année un projet de budget rectificatif qui vise à budgétiser l’excédent résultant de l’exercice budgétaire de l’année antérieure, c’est-à-dire en l’occurrence de l’année 2013.
Normalement, ai-je dit. Malheureusement, les choses ne sont pas normales. Tous ceux qui suivent quelque peu la situation budgétaire de l’Union savent que la situation des paiements devient critique, sinon dramatique. Sur la base des informations disponibles, il y avait fin 2013 plus de 23 milliards d’impayés et ils approcheraient aujourd’hui, si rien n’est fait, les 30 milliards.
Quand je parle d’impayés, je veux dire très concrètement qu’il s’agit de factures en bonne et due forme qui attendent d’être honorées et qui ne peuvent pas l’être parce que les crédits de paiement ne sont pas suffisants.
Cette situation est totalement anormale. Il s’agit en réalité d’une vraie dette, réelle mais cachée, alors que le budget de l’Union se doit d’être en équilibre. Cette situation est également intolérable et je voudrais demander au Conseil s’il se souvient qu’il a adopté, il y a peu de temps, une directive qui a été adressée aux États membres et qui leur enjoint de demander que les factures soient payées dans un délai de trente jours. Mesure-t-il bien ce que la situation actuelle signifie pour les étudiants d’Erasmus, qui ne recevront pas l’argent convenu alors qu’ils sont en droit de le recevoir? Le Conseil mesure-t-il bien ce que cela signifie pour un État, pour un pouvoir local, pour une autorité régionale, déjà confrontés à une situation budgétaire difficile, de ne pas voir ses factures remboursées? Mesure-t-il bien ce que cela signifie pour une PME ou une équipe de recherche de ne pas recevoir les montants convenus, alors que le personnel a été engagé, est en place et doit être payé?
La situation est devenue à ce point critique que la Commission a décidé de présenter à l’autorité budgétaire un budget rectificatif n° 3, dans lequel elle sollicite des crédits de paiement supplémentaires pour un montant global de 4,8 milliards d’euros. Parallèlement, elle a déposé plusieurs autres projets de budget rectificatif, dans lesquels elle propose, pour l’essentiel, d’inscrire dans les recettes le produit d’amendes et d’intérêts de retard pour un montant global d’environ 5 milliards d’euros. On voit tout de suite que les États membres ne devraient pas mettre la main à la poche pour financer les crédits supplémentaires de paiement dans le cas d’un accord honorable entre les deux branches de l’autorité budgétaire.
Tenant compte de l’ensemble de ces éléments, la commission des budgets a pris deux orientations stratégiques importantes, qu’elle demande à notre assemblée de soutenir sans réserve.
En premier lieu, nous voulons traiter ensemble, c’est-à-dire en bloc lors de la négociation avec le Conseil, tous les projets de budget rectificatif introduits pour l’exercice budgétaire 2014. Ce traitement en bloc a pour objectif d’éviter que le Conseil rejette les demandes de crédits supplémentaires ou les rabote mais conserve au profit des États membres les recettes supplémentaires qui sont venues grossir, de manière quasi miraculeuse, les recettes initiales prévues pour l’exercice.
C’est très précisément afin de pouvoir traiter en bloc tous les projets de budget rectificatif que le présent rapport vous demande d’approuver un amendement au projet de budget rectificatif n° 2 présenté par la Commission. Si cet amendement n’est pas approuvé, le Conseil aura le pouvoir, en raison du dépassement des délais, de mettre la main sur le surplus de l’exercice 2013, au bénéfice des États membres, privant ainsi le budget de l’Union de la possibilité de l’utiliser pour desserrer l’étau des factures impayées.
La deuxième orientation importante adoptée par la commission des budgets a déjà été exprimée aujourd’hui dans l’organisation et dans l’ordre du jour de nos travaux: il s’agit d’obtenir un accord avec le Conseil sur les budgets rectificatifs 2014 avant de commencer la négociation sur le budget 2015.
Ce choix stratégique, qui a été soutenu – je tiens à le souligner – par la totalité des groupes politiques de la commission des budgets, s’impose à nous pour deux raisons.
La première, comme je l’ai dit: il y a urgence de disposer de crédits supplémentaires. Cette urgence concerne aussi bien les bénéficiaires, qui attendent que leurs factures soient payées, que l’Union elle-même, dont le crédit sera durement atteint si elle n’est pas en mesure d’honorer les engagements qu’elle a pris.
Deuxième raison: le budget 2015, que nous allons voter demain, ne tiendra pas la route si le budget 2014, inchangé, lui laisse une ardoise d’impayés alourdie de plusieurs milliards.
Un accord sur le budget rectificatif 2014 est donc à la fois une nécessité urgente et un préalable à l’adoption d’un budget 2015 qui tienne la route. C’est en vertu de ces raisons que je vous demande d’approuver le rapport que je vous présente aujourd’hui.
Gérard Deprez / rapporteur / 21 octobre à 18h50
Madame la Présidente, je crois qu’au terme de ce débat, il apparaît très clairement que la position de la Commission est absolument limpide. Nous avons besoin de crédits supplémentaires! Et il est possible de faire en sorte que les États membres ne déboursent pas d’argent puisque des recettes supplémentaires peuvent être actées dans l’exercice budgétaire 2014.
La position du Parlement est également claire et vous avez pu constater, Monsieur le Ministre, qu’elle est partagée par tous les groupes politiques. Phénomène étonnant mais réel! Cela montre bien que la conscience de la gravité du problème est aiguë dans les rangs parlementaires.
En revanche, la position du Conseil n’est pas claire – ou ne l’est pas encore. Ou peut-être l’est-elle mais n’avez-vous pas encore le droit de l’exprimer. En tout cas, j’ai entendu deux choses de votre bouche. La première est que vous avez accepté – par la force des choses, mais vous l’avez accepté – que l’on globalise la discussion sur tous les budgets rectificatifs 2014. Vous n’avez pas accepté mais vous avez entendu que nous demandons qu’il y ait un accord sur ces budgets rectificatifs avant de commencer la négociation sur le budget 2015.
Je voudrais donc simplement vous dire que nous comprenons les efforts que vous avez à fournir et nous vous soutenons. Mais vous devez dire aux membres du Conseil que nous ne laisserons, en aucun cas, le cancer des impayés décrédibiliser toute la construction de l’Union européenne.