Suite aux commentaires reçus après le vote de la directive sur le secret des affaires, il m’a paru opportun de publier une petite mise au point.
J’ai effectivement voté ce texte qui a été négocié, pour mon groupe politique, par M. Jean-Marie Cavada (FR), grand journaliste bien connu.
Le secret des affaires n’était jusqu’à présent pas protégé en tant que tel dans la quasi-totalité des pays de l’UE. En général, en Europe, le sujet était traité par d’autres biais : concurrence déloyale, propriété intellectuelle, droit du travail, droit pénal, etc. Or, le secret des affaires est à la fois plus large et plus flou. Une législation ad hoc et harmonisée était donc souhaitable, d’autant que plusieurs cas de vols de secrets d’affaires ont été rendus publics au cours des dernières années.
En tant que co-législateur, le Parlement a modifié le projet initial afin d’exclure journalistes et lanceurs d’alerte du champ d’application de la directive.
Dans la version que j’ai approuvée, le secret des affaires ne peut pas être opposé aux journalistes. Il est donc faux de dire que les grandes entreprises (comme MONSANTO, pour ne reprendre que l’exemple le plus souvent utilisé) vont être protégées face aux investigations journalistiques. Au contraire, cette directive permet aux journalistes d’investigation d’être protégés en cas de révélation touchant à « l’intérêt général », c’est à dire notamment « la sécurité publique, la protection des consommateurs, la santé publique et la protection de l’environnement… ». Cette liste n’est ni fermée ni exhaustive, ce qui signifie que n’importe quelle autre thématique peut être considérée par un juge comme relevant de l’intérêt général. Le champ d’investigation des journalistes reste donc protégé et étendu.
En ce qui concerne les lanceurs d’alerte, le texte de la directive ne répond pas à l’ensemble des questions sur la définition légale qu’il conviendrait de leur appliquer, c’est vrai, mais ce n’est pas l’objectif de ce texte. Toutefois, l’article 5 de la directive concerne les lanceurs d’alerte lorsqu’il indique que ne pourront pas être poursuivis ceux qui violent le secret des affaires s’ils ont « agi pour protéger l’intérêt public général ». Je vous fais remarquer que c’est la première fois que l’on inscrit une protection spécifique des lanceurs d’alerte dans le droit européen et que le Parlement n’en reste pas là puisqu’il demande à la Commission de proposer un texte spécifique sur le statut des lanceurs d’alerte.
A toutes fins utiles, je vous communique in extenso les dispositions qui illustrent les propos qui précèdent :
1.2. La présente directive n’affecte pas:
L’amendement obtenu par le Parlement européen (PE) de l’Article 5, qui établit les dérogations à l’application des mesures visant à condamner l’utilisation illicite de secrets d’affaires contient deux dispositions qui font référence à la liberté d’expression et d’information, et donc au travail des journalistes et des lanceurs d’alerte :
– La version du PE de l’Article 5a) considère comme exception l' »exercice du droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias;
– La version du PE de l’Article 5b) considère également comme exception la « révélation d’une faute, d’une malversation ou d’une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi pour protéger l’intérêt public général;« .
Enfin, je vous invite à vous référer à la première version, disponible ici. Vous pourrez ainsi comparer cette proposition avec le texte adopté. Sans les précisions et les modifications apportées par le Parlement européen, je n’aurais pas soutenu le texte.