Lundi 2 février 2009, à Strasbourg, Gérard Deprez donne une conférence devant l'Association des Médaillés de l'Ordre des Palmes Académiques (AMOPA, regroupant essentiellement des enseignants ou enseignants retraités distingués, ainsi que des personnalités du monde des Arts) sur le thème de "L'Union européenne garante de nos libertés et de notre sécurité".
Concernant l'Europe des libertés, Gérard Deprez a d'emblée voulu insister sur le fait que l'Europe n'est pas uniquement "garante" des libertés des citoyens: elle en est aussi activement "promotrice".
Pour illustrer son propos, il a pris notamment l'exemple de l'attitude de l'Europe par rapport à certains pays candidats à l'adhésion (comme la Turquie), dans lequel il apparaît clairement que l'Europe utilise comme levier la candidature à l'UE pour promouvoir le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans ce pays, par l'effet d'attraction que représente la perspective d'adhésion.
Il a ensuite fait référence au "monitoring démocratique" prévu dans l'article 7 du Traité sur l'Union européenne, ainsi qu'à la Charte des droits fondamentaux qui obtiendra force contraignante après la ratification du Traité de Lisbonne.
Enfin, il a cité de nombreux exemples par lesquels l'Europe, en légiférant, a promu de manière magistrale les libertés dont nous pouvons jouir au quotidien (liberté de circulation, liberté d'établissement, liberté de choix en matière de fournisseurs de gaz, d'électricité, de téléphonie fixe ou mobile, etc...).
Venant ensuite au thème de l'Europe de la sécurité, Gérard Deprez a exposé en détail les différents systèmes de contrôle des frontières mis en place au sein de l'espace Schengen ou plus généralement aux frontières externes de l'UE, notamment le SIS et le VIS. Il a abordé dans ce cadre les corollaires à l'instauration de telles bases de données: des moyens renforcés de protection des données personnelles, ainsi que des dispositions précises en matière de droit d'accès et de protection de ces données pour les citoyens européens.
Sur le thème des illégaux, il a d'abord voulu rectifier une idée faussement répandue d'une "Europe forteresse", en rappelant que chaque année, 1,5 à 2 millions de personnes entrent légalement sur le territoire de l'UE, et qu'actuellement, environ 20 millions de personnes immigrées vivent légalement sur le territoire de l'UE (qu'ils soient entrés par la voie du regroupement familial, de l'asile, de la régularisation, ou pour effectuer des études).
Gérard Deprez a ensuite tenu à aborder plusieurs points délicats liés à la gestion par l'Union européenne de la question de l'immigration illégale :
- le mandat de l'Agence Frontex, chargée par l'UE de coordonner des actions liées au contrôle des frontières, est actuellement de facto étendu à des missions de sauvetage en mer, vu les dangers courus par les ressortissants de pays tiers arrivant illégalement sur notre territoire sur des embarcations de fortune ;
- le contrôle des frontières ne suffira de toute façon pas : le flux des illégaux va continuer, d'où l'importance pour l'UE de conclure des accords de réadmission avec les pays tiers ;
- le co-développement sera l'un des défis majeurs de l'Union pour les années à venir : avec 800 millions d'Africains actuellement, vivant sur un continent peu développé et en peine explosion démographique, cette population en quête d'une vie meilleure doublera d'ici 2050 ;
- la directive "retour" qui a beaucoup fait parler d'elle, notamment sur la durée possible de mise en détention des illégaux ; il a tenu à rappeler qu'il s'agit de normes minimales, et que la France est parfaitement libre de garder ses normes plus protectrices;
- la directive "sanctions", récemment votée, qui vise à punir plus sévèrement les employeurs ayant recours à de la main d'œuvre illégale : ce texte envoie un signal clair aux employeurs peu scrupuleux voire crapuleux en instaurant des sanctions pénales pour les cas les plus graves d'exploitation de main d'œuvre clandestine (telles que l'emploi de mineurs, des conditions de travail particulièrement abusives, ou lorsque le travailleur est victime de traite d'êtres humains).
Pour conclure, Gérard Deprez a abordé quelques grands défis que l'Union européenne va devoir aborder intelligemment en matière de gestion des migrations :
- nous avons un déficit de main d'oeuvre locale dans certaines qualifications (exemple de la pénurie d'ingénieurs en Allemagne); l'Europe a à cet égard lancé une "carte bleue" pour attirer les plus qualifiés à venir chez nous, mais cela suffira-t-il pour combler notre retard par rapport aux Etats-Unis en la matière ?
- nous sommes en plein déclin démographique, donc un déficit global de main d'oeuvre est techniquement programmé : d'ici 2050, nous allons perdre environ 50 millions de personnes en âge de travailller, soit environ 20% de la population active. Dans le même temps, nous aurons 60 millions de pensionnés supplémentaires. La conséquence est simple : si actuellement, il y a en Europe quatre actifs pour un pensionné, en 2050, il n'y aura plus que deux actifs pour un pensionné ! C'est difficilement tenable.
- corollaire du point précédent, il est indispensable que les pays européens mènent une politique d'intégration active, pour être en mesure d'amener harmonieusement ces populations migrantes à s'insérer dans nos sociétés.
La Conférence a ensuite été suivie par une séance de questions-réponses, et s'est clôturée par un sympathique verre de l'amitié. |