Manisfeste
> Nos propositions
Devant la gravité de la situation et l'urgence
d'y faire face, le Mouvement des Citoyens pour le Changement est
partisan de réformes radicales.
Nous ne croyons pas à la révolution, au sens où
il suffirait d'un acte fort - ou brutal - pour que tout change.
Nous ne croyons pas non plus aux réformettes "sympa"
du système actuel qui sont d'autant mieux accueillies qu'elles
sont moins dérangeantes.
Nous croyons que le cours actuel des choses doit être radicalement
réformé, que cela prendra du temps pour produire des
résultats vraiment significatifs, et qu’il faudra beaucoup
d'énergie pour y parvenir.
I. La citoyenneté.
Ce réformisme radical doit commencer par un travail sur
nous-mêmes. Chacun d’entre nous doit réapprendre
à devenir citoyen, c’est-à-dire responsable
de son propre destin, et co-responsable du destin de tous. La citoyenneté
n’est donc pas, à nos yeux, une affaire de naissance
ou de nationalité. La nationalité est un état,
consacré administrativement par un document; la citoyenneté
est une exigence, et l’expression d’une préférence
: elle commence par la reconnaissance des autres, de ceux avec lesquels
on choisit d’assumer la responsabilité de son destin.
La citoyenneté n’est pas innée : elle est affaire
d’éducation et de pratique, elle s’applique et
s’exerce au quotidien.
C’est assez dire que l’exercice de la citoyenneté
trouve d’abord à s’exprimer dans l’environnement
immédiat de chacun et de chacune. Les enfants ont besoin
de parents qui s’occupent réellement d’eux. Les
membres d’une entreprise ou d’une organisation ont besoin
de collègues qui collaborent franchement et assument effectivement
leur part de travail. Les habitants ont besoin de voisins qui sont
concernés par la vie de quartier. Les associations ont besoin
de volontaires qui s’engagent. Les victimes ont besoin de
policiers motivés, d’enquêteurs compétents,
de magistrats impartiaux. En un mot, la première condition
de la citoyenneté s’exprime par une exigence supplémentaire
à l’égard de soi-même : plus de civisme,
plus de professionnalisme, plus de performances, plus de générosité.
II. La démocratie.
Ce réformisme radical impose aussi de repenser la démocratie.
Le type de démocratie que nous pratiquons aujourd'hui - des
citoyens qui votent, des appareils de parti qui dirigent - est devenu
totalement incapable d'assurer un lien satisfaisant entre les citoyens
et leurs élus.
Les instances établies, assemblées élues
et exécutifs, ne peuvent retrouver leur légitimité
qu’en s’appuyant sur des formes plus participatives
et plus délibératives d’implication des citoyens.
Nous pensons qu’il faut instaurer pour chaque niveau de pouvoir
des mécanismes de participation et des espaces de dialogue
où les citoyens pourront user de leurs forces d’incitations
et de propositions sous la forme qu’ils jugeront la plus utile
en fonction des circonstances et des spécificités
locales.
Dans cet esprit, nous proposons de créer, selon des modes
de représentation à définir localement, des
instances de consultation de la société civile, dans
lesquelles les habitants pourront rendre des avis aux autorités
compétentes et disposeront d’une capacité de
proposition la plus large. Les autorités concernées
seront tenues de répondre aux questions soulevées
par ces instances consultatives. L’informatique et les technologies
les plus modernes de communication doivent être mises au service
de l’échange d’informations et d’expériences
sur les sujets les plus divers, non seulement local et régional,
mais aussi national et européen.
Dans le cadre général de cette renaissance de la
démocratie, notre système politique doit être
radicalement transformé. Dans un pays qui connaît à
la fois le scrutin proportionnel conjugué aux mystères
de l’apparentement, l’effet dévolutif de la case
de tête et le régime des accords entre états-
majors de partis, l’expression de la souveraineté du
peuple par le vote est vidée de son sens réel au profit
d’un point de vue partisan. Le citoyen a le sentiment que
son vote ne sert à rien.
C’est pourquoi, nous sommes résolument partisans
d’un nouveau mode de scrutin qui dégage, par lui-même,
une majorité claire, issue directement des préférences
exprimées par les électeurs. Un tel système,
outre qu’il est le seul à permettre réellement
l’alternance démocratique (et donc à mettre
fin à la toute puissance des appareils de parti), présente
aussi l’avantage de rendre possible la sanction des élus,
et donc le renouvellement des mandataires.
Dans le même souci de clarté, nous considérons
qu’il est malsain pour la démocratie qu’un même
élu puisse cumuler plusieurs mandats à différents
niveaux de pouvoir - a fortiori lorsque l’un d’eux est
un mandat exécutif - car cela engendre nécessairement
des confusions d’intérêts. Nous sommes en conséquence
résolument partisans du décumul intégral des
mandats.
Sur les grandes questions qui engagent l’avenir du pays,
le peuple souverain doit pouvoir exprimer son choix préférentiel
au moyen du référendum. Seule une majorité
parlementaire spéciale pourrait s’opposer à
la décision issue d’un tel mode de consultation.
Sur le plan des institutions, la logique d’après-guerre
a eu pour effet que de nouveaux niveaux de pouvoir se sont ajoutés
purement et simplement à ceux qui existaient déjà.
La Belgique d’hier comportait trois échelons : l’Etat,
les provinces, les communes. S’y sont ajoutés depuis
le niveau régional et le niveau européen. A l’évidence,
le niveau provincial est superflu et doit disparaître rapidement,
ses compétences relevant soit des communes, soit des régions
ou des communautés. Les nominations partisanes dans l’administration,
la magistrature, les entreprises publiques, constituent pour nous
l’une des principales raisons des mauvaises performances de
notre société. Elles doivent être abolies.
L’impartialité du recrutement dans les services publics
doit être renforcé. Les mêmes procédures
de recrutement doivent s’appliquer dans les administrations
et les services de l’Etat, des Communautés et des Régions,
ainsi que des provinces et des communes. Les fonctionnaires y gagneront
non seulement des conditions de recrutement plus impartiales et
donc plus justes, mais aussi de plus grandes chances de mobilité.
Des administrations publiques efficaces et au service du public,
des fonctionnaires et des agents des services publics compétents,
motivés et dévoués à leur tâche,
sont une condition indispensable au bon exercice de la citoyenneté.
III. L’économie
et l’emploi.
Dans une région comme la Wallonie, où le taux de
chômage est largement supérieur à la moyenne
européenne, où il atteint même, par endroit,
près de 40% de la population active, la création d'emplois
est une priorité absolue. Ce n'est pas moins vrai à
Bruxelles où vont arriver sur le marché du travail,
par vagues croissantes, les milliers de jeunes issus de l'immigration,
pour lesquels les difficultés de l'intégration s'ajoutant
au drame du chômage engendrent un cocktail explosif d'aspirations,
de frustrations, et de rancoeurs.
Pour fixer les idées, rappelons que le taux de chômage
des jeunes est actuellement de 38% à Bruxelles, de 33% en
Wallonie, contre "seulement" 12% en Flandre.
Une économie anémique ne crée pas d'emplois,
elle en perd. Elle accroît l’injustice. Une économie
faible, peu compétitive, ne peut maintenir l'emploi qu'à
la condition de le payer mal. Elle atrophie la solidarité.
Décréter la priorité à l'emploi, c'est
d'abord et avant tout construire une économie forte et compétitive.
Les chiffres sont clairs : entre 1987 et 1995, 120 000 emplois
supplémentaires ont été créés
en Flandre, 13 000 en Wallonie. Bruxelles, de son côté,
a perdu 13 000 emplois.
LE NOUVEAU MARCHE INTERIEUR : L’EUROPE
Dans le passé, la prospérité de la Wallonie
a été fondée sur la vigueur de ses exportations
et son ouverture au monde. Ce qui était vrai hier le sera
encore plus demain : notre marché intérieur, c'est
l'Union européenne; nos exportations, c'est au-delà
des frontières de l'Union. Penser notre développement
en fonction des seuls besoins intérieurs en Wallonie et à
Bruxelles signifie inéluctablement le sous-développement
et la ruine.
Développer le secteur non-marchand sans se préoccuper
de créer la richesse qui permet de le financer ou de le payer
signifie soit un endettement insupportable, soit l’organisation
du régime de l’assistance à l’échelle
de tout un peuple.
Pour réussir, nous devons nous convaincre que nous sommes
capables de rattraper notre retard, d’avancer au même
rythme que les autres, de les précéder même.
Nous devons savoir que les efforts qui nous seront demandés
sont faibles à côté de ceux que doivent faire
aujourd’hui des centaines de millions de citoyens appartenant
à d’autres peuples, tels ceux d’Europe centrale
et orientale. Nous devons accepter qu’avec la monnaie unique
et le pacte de stabilité, les recettes du passé (déficit
budgétaire, dévaluation, inflation) pour récupérer
les dérapages ne seront plus praticables. Si l’Europe
est un espace formidable de liberté et d’expansion,
c’est aussi une extraordinaire exigence de qualité
et de travail.
LE PLAN DE CONVERGENCE
Aussi avons-nous besoin d'une véritable stratégie
de développement et d’expansion économique.
A nos yeux, le coeur de cette stratégie passe par la conception
et par la mise en oeuvre d'un plan de convergence dont l'objectif
explicite doit être d'amener, dans un délai à
convenir et à respecter, nos performances économiques
au niveau de la moyenne européenne et, de préférence,
au niveau des régions ou des pays les plus performants qui
nous entourent.
Ce plan de convergence, à l'élaboration duquel seront
sollicités les apports de toutes les forces du changement,
devra nécessairement comporter les éléments
suivants :
1. La reconstruction de notre espace économique et industriel
par l'élévation du taux général d'investissement
interne et externe, en particulier dans le secteur de production
de biens et de services à haute valeur ajoutée;
2. La maîtrise et la réduction des coûts directs
et indirects de production;
3. L'intensification et la concentration des moyens matériels
et humains affectés à la recherche-développement;
4. L'accroissement de la flexibilité du marché du
travail et de la mobilité des travailleurs dans le respect
des personnes et de la vie de famille;
5. L'augmentation des parts de marché à l’exportation.
DESSERRER L’ETAU PUBLIC
La mise en oeuvre de ce plan de convergence exigera de la part
des autorités wallonnes une remise en cause radicale des
instruments et des pratiques publiques dans le domaine économique.
Trop de structures publiques et parapubliques, trop émiettées,
trop partisanes, trop peu professionnelles, s’occupent soit-disant
de développement ou de reconversion. Trop d’activités
qui pourraient être assumées par le secteur privé,
dans une logique concurrentielle, sont gérées (de
manière oligopolistique) par les intercommunales.
Au moment où l’Europe toute entière privatise
les entreprises publiques, les Wallons mettent en place une sorte
de glaciation publique de l’économie de base. Il faudra
donc à la fois rationaliser les instruments et décorseter
l’étau qui étreint les initiatives privées.
BILBAO EN WALLONIE ?
Le redressement de la Wallonie passe aussi par la mise en oeuvre
d’un programme ambitieux de cicatrisation de nos ruines industrielles,
de valorisation de notre patrimoine, de promotion de l’image
de la Wallonie dans l’Europe et dans le monde.
Si Bruxelles est une ville internationale qui se visite et s’apprécie,
si Bruges attire les touristes du monde entier, la Wallonie est
pratiquement absente des programmes des grands tours-opérateurs
de voyages. Trop de nos sites sont défigurés par des
chancres; trop de nos musées sont confidentiels; trop de
nos joyaux architecturaux sont fermés à la visite
quand ils ne sont pas dangereux d’accès. Nos particularismes
nous étreignent, notre Histoire se ternit de notre manque
de fierté à mettre en valeur les témoins qu’elle
a laissés.
Bilbao, qui n’est assurément pas la plus belle ville
d’Espagne, est en passe de devenir une ville internationale
de l’art depuis l’ouverture du musée Guggenheim.
N’oserions-nous pas, à notre tour, un grand projet
culturel ?
VOCATION : TETE DE PONT
Les grandes entreprises de production de biens et de services
sont une image traditionnelle du paysage économique wallon
et bruxellois. Certaines d’entre elles sont entrées
de plain-pied dans la dynamique européenne et même
mondiale, d’autres s’ajustent avec difficulté,
d’autres encore risquent purement et simplement de sombrer.
Notre avenir économique ne réside pas dans le soutien
artificiel et dogmatique à ces entreprises qui ont raté
le virage de la modernisation ou qui évoluent dans des secteurs
où la concurrence internationale nous impose des coûts
de production toujours plus bas. La priorité doit aller aux
investissements productifs dans les créneaux d’activité
à fort développement technologique et à haute
valeur ajoutée.
Cette priorité doit viser aussi bien les P.M.E wallonnes
et bruxelloises que les entreprises étrangères à
attirer sur nos terres. Nous devons savoir que le capital à
risque disponible dans nos régions ne suffira pas à
financer les investissements nécessaires au redécollage
économique wallon et au plein développement de Bruxelles.
Nos Régions doivent devenir de véritables têtes
de pont des investissements extérieurs à destination
du marché européen, et même mondial. Nous devons
d’urgence aller vers le monde et faire venir le monde chez
nous.
SOUTENIR L’ESPRIT D’INITIATIVE
Face à la concurrence étrangère sur nos marchés
et dans la conquête des marchés extérieurs,
les PME et PMI wallonnes et bruxelloises doivent apprendre l’efficacité
dans la gestion et dans la production des biens et services. Une
utilisation adéquate des technologies disponibles, une meilleure
organisation du travail et une motivation réelle du personnel
sont indispensables à la réussite de toute entreprise.
Par district géographique et par secteur d’activités,
elles doivent également apprendre à unir leurs efforts
dans la gestion du personnel, les tâches administratives,
la recherche et le développement, l’acquisition des
biens et services nécessaires à leur fonctionnement,
la recherche des marchés et la satisfaction de la clientèle,
ainsi que dans la promotion de leur image de marque et de leurs
produits. La qualité totale doit être l’objectif
de chaque entreprise.
Nous affirmons que la lutte contre le chômage passe aussi
par la promotion et le développement du travail indépendant.
Tous ceux qui désirent créer leur propre emploi ou
voler de leurs propres ailes doivent être encouragés
et formés à cet effet. Trop de jeunes indépendants
ou candidats chefs d’entreprise échouent dans leur
tentative de créer leur propre société pour
cause de gestion insuffisante. Il faut donc assurer systématiquement
une formation à la gestion pour chaque candidat indépendant
ou chef d’entreprise.
Dans le même sens, il faut élargir l’octroi
des aides dont bénéficient les demandeurs d’emploi
désireux de créer leur propre travail à tous
ceux qui, jeunes ou moins jeunes, cadres ou salariés, souhaitent
tenter leur chance.
Trop souvent, les indépendants, les PME et les PMI renoncent
à embaucher du personnel en raison de la surcharge de travail
administratif et de coûts que cela impose. D’une manière
générale, il faut alléger drastiquement et
rationaliser les charges administratives imposées aux entreprises
et aux indépendants. Il est également indispensable
de revoir en ce sens le financement de la sécurité
sociale.
LE DEVELOPPEMENT DURABLE
Nous estimons aussi que la croissance économique et la
politique de l’emploi peuvent et doivent s’inscrire
dans le modèle du développement durable, c’est-à-dire
d’un modèle de développement intégré
qui assure la sauvegarde des richesses naturelles et le bien-être
des générations futures.
En ce sens, la Wallonie doit se défaire de son passé
douteux en matière de gestion de l’environnement, caractérisé
par un manque de volonté et de moyens de réprimer
les abus. La Wallonie ne peut plus être "la poubelle
de l’Europe". Elle doit envoyer un message clair tant
au citoyen qu’à l’industriel pour effacer définitivement
cette image négative.
Pour ce faire, il faut introduire dans les esprits la notion d’"éco-citoyenneté":
toute personne, tout organisme ou entreprise, toute commune ou administration,
doit intégrer dans son comportement un lien permanent entre
ses habitudes quotidiennes et le respect des grands équilibres
que sont l’eau, l’air et le territoire, en ce compris
la gestion des déchets. Nous sommes convaincus que la politique
environnementale représente un domaine privilégié
où peuvent s’exprimer tout à la fois le civisme
et la solidarité, sans lesquels il ne peut y avoir de société
juste et responsable.
A l’exemple des pays voisins, la Wallonie doit se donner
les moyens juridiques, humains et financiers de résorber
son retard en matière de protection de l’environnement.
Elle doit harmoniser sa législation avec celle de nos voisins,
adopter des normes applicables à tous et mettre en place
les outils nécessaires à leur application.
Nous affirmons en effet qu’il n’y a pas d’antagonisme
entre une croissance économique saine et un environnement
de qualité. Le développement durable est de nature
à assurer d’emblée une croissance économique
respectueuse du biotope et des intérêts légitimes
des générations futures, qui sera profitable à
la Wallonie et à Bruxelles. Nous sommes non seulement convaincus
que le respect des hommes passe naturellement par le respect de
la terre où ils vivent, mais aussi que des critères
sévères pour la protection de la santé, du
milieu, des ressources, peuvent parfaitement générer
tout à la fois des investissements, des produits à
haute valeur ajoutée, ainsi que de nombreux emplois qualifiés
et peu qualifiés, pourvu que des procédures rapides
de décision soient mises en place en matière d’aménagement
du territoire, d’urbanisme et de protection de l’environnement.
IV. La formation.
LE GISEMENT DU FUTUR
Les sociétés démocratiques et développées
dans lesquelles nous vivons aujourd’hui sont, pour l’essentiel,
le résultat de trois grandes réformes qui ont chacune,
en leur temps, constitué une rupture radicale avec la situation
antérieure : le suffrage universel, l’instruction obligatoire,
la révolution industrielle accouplée à l’économie
de marché.
Les sociétés de demain seront, nous le savons déjà,
basées sur les technologies de l’information et de
la communication, la mondialisation des échanges, la formation
et la créativité des citoyens. La force de travail
sera, en ordre principal, la matière grise. C’est à
la fois un formidable défi et une chance sans précédent
: le gisement du futur n’est plus dans notre sol asséché
et meurtri, il est dans nos têtes.
L’EGALITE DES CHANCES
C’est assez dire la priorité que doit revêtir
dès aujourd’hui la qualité de la formation de
tous les citoyens : la formation initiale, la formation continuée,
la réorientation et la réhabilitation professionnelles,
en un mot l’investissement immatériel, deviennent des
facteurs décisifs de la croissance et de l’emploi.
L’égalité des chances, par la formation, devient
quant à elle l’axe central de la justice sociale. La
lutte contre l’exclusion est d’abord un combat pour
l’éducation.
Dans ce contexte, les structures et les missions du système
scolaire devront faire l’objet de réformes radicales.
L’INTERET GENERAL
Sur le plan des structures, un tel réinvestissement de
moyens, dans une région appauvrie, ne sera pas supportable
sans une réorientation effective des dépenses consacrées
à l'enseignement et un dépassement des clivages traditionnels.
La liberté d’enseignement et l’égalité
de traitement constituent certes à nos yeux des droits constitutionnels
et des principes de base intangibles. Toutefois, les piliers sur
lesquels s'est organisée la société belge du
siècle écoulé vont devoir apprendre à
collaborer et à rationaliser leurs efforts, dès lors
que le niveau de prospérité ne permet plus de dédoubler
ou de détripler tous les investissements, ou toutes les offres
d’enseignement. Nous pensons qu'il est temps dans le domaine
de l'enseignement comme dans bien d'autres, de sortir des modes
autarciques d'organisation pour inventer de nouvelles relations
citoyennes et non plus "mitoyennes", où l'intérêt
général prime sur l'intérêt particulier.
Sur le plan des missions, le système scolaire devra être
radicalement réorienté.
L’enseignement fondamental, qui est le lieu central pour
l’égalité des chances, doit redevenir l’école
de l’alphabétisation, de l’initiation aux nouvelles
technologies, de l’apprentissage de la citoyenneté.
Alphabétisation culturelle : lecture, calcul, repérage
dans le temps (histoire), situation dans l’espace (géographie,
univers). Alphabétisation citoyenne : apprentissage du rapport
à l’autre, respect de l’environnement, code de
conduite. Alphabétisation technique : maîtrise des
outils et maniement des nouvelles technologies. Dans cet esprit,
l’écran et la liaison aux réseaux doivent devenir
pour chaque enfant l’équivalent de l’ardoise
et du tableau.
Nous pensons également que nombre de rigidités,
issues de nos conflits communautaires ou de notre suffisance culturelle,
doivent disparaître au plus tôt. Dans l'état
actuel des choses, aucune possibilité n'existe pour nos enfants
d'avoir accès à des écoles secondaires bilingues.
Des régions comme les nôtres, au carrefour de la romanité,
de la germanité, du monde anglo-saxon, doivent devenir des
centres de formation aux cultures du monde.
DE LA QUALIFICATION, S’IL VOUS PLAIT
Le redressement économique de la Wallonie, le développement
harmonieux de Bruxelles, passent nécessairement par la revalorisation
des formations techniques et professionnelles.
Tous les chiffres disponibles démontrent le lourd handicap
de notre pays en matière de qualification : moins de 60%
de la population d’âge actif en Belgique (25-59 ans)
a dépassé le stade de l’enseignement secondaire
inférieur, contre 74% en moyenne dans les trois pays voisins,
qui sont à la fois nos principaux partenaires et nos principaux
concurrents (Allemagne, France, Pays-Bas).
Nous accusons également un grave déficit de qualifications
techniques dans le secondaire supérieur (33% en Belgique,
50% dans les trois autres pays).
En plus, les entreprises belges consacrent en moyenne moins d’argent
à la formation de leur personnel que ne le font les entreprises
de nos trois principaux partenaires.
Un vaste programme de revalorisation des formations techniques
et professionnelles s’impose d’urgence. Dans le même
esprit, les formules les plus efficaces expérimentées
ailleurs (formation en alternance, travail/formation à temps
partiel, "activation" des allocations d’attente
à la mode Tony Blair, ...) doivent être adoptées,
testées, puis généralisées.
L’enseignement supérieur et la recherche occupent
de plus en plus une place centrale dans le développement
et la modernisation de nos sociétés. Face à
la concurrence des économies à bas salaires, l’avenir
des économies développées se jouera d’abord
sur le terrain de l’innovation, de la qualité, de la
valeur ajoutée.
Dans ce cadre, les réformes à mettre en oeuvre doivent
viser à nous situer au niveau des meilleurs.
La mondialisation doit être saisie comme une opportunité.
Nos cursus et nos diplômes doivent obéir à des
standards internationaux. Nos étudiants, nos chercheurs,
nos professeurs doivent s’engager activement dans des circuits
d’échange européens, sinon mondiaux. Les stages
à l’étranger deviennent des étapes nécessaires
d’un curriculum.
Nous devons sortir du paradoxe européen actuel : malgré
une recherche de grande qualité, nos performances en matière
d’innovation industrielle ne sont pas assez rentabilisées
sur les marchés.
Les opérateurs financés par les pouvoirs publics
doivent pouvoir être intéressés à la
valorisation des résultats de leurs recherches. Les laboratoires
universitaires doivent pouvoir coopérer très étroitement
avec les centres de recherche des entreprises. L’objectif
central doit être d’associer connaissances scientifiques,
compétences techniques, et opportunités de marché.
L’HUMANISME DEMOCRATIQUE
L’école du XXIe siècle est à inventer.
La citoyenneté, l’ouverture à l’autre
dans sa richesse et sa complexité, les valeurs de l’humanisme
démocratique, l’initiation aux méthodes de travail
et aux techniques les plus modernes, doivent être les axes
d’une école nouvelle.
Les enfants de Wallonie et de Bruxelles doivent retrouver le sens
de l’espoir et du respect de soi-même. Les écoles
doivent en même temps réapprendre aux élèves
et aux étudiants le goût du risque et du dépassement
de soi, le plaisir du travail bien fait et du projet mené
à bien.
Il ne suffit pas, en effet, pour mettre en oeuvre un développement
économique humainement supportable, de former des diplômés
qui soient les meilleurs dans leur discipline respective. Les errements
que notre civilisation technicienne a connus et connaît encore
montrent les dangers du tout à la technique et à la
loi du profit immédiat. Nous avons besoin de techniciens
qui soient non seulement les meilleurs dans leur spécialité,
mais qui sachent en outre penser leur travail dans une approche
globale et non plus seulement sectorielle ou segmentée de
la réalité. C’est pourquoi nous affirmons qu’au
même titre que l’apprentissage aux nouveaux modes de
communication et d’échanges, la philosophie et l’ouverture
permanente aux autres disciplines que permet le travail en commun
doivent devenir des colonnes vertébrales de l’enseignement
en Wallonie et à Bruxelles.
Telles sont, pour nous, les conditions minimales de la formation
pour une société à la fois économiquement
performante et politiquement citoyenne.
V. La solidarité.
Le but ultime de l’action politique démocratique
n’est pas de produire de la richesse, de contrôler un
territoire, d’affirmer la puissance d’un peuple ou la
suprématie d’une culture. Le but de la démocratie
est de construire une société, c’est-à-dire
de permettre aux citoyens de vivre avec dignité, de s’épanouir
pleinement et de tisser entre eux des liens qui les humanisent et
humanisent les autres.
Cela veut dire que tout vrai projet démocratique comporte
une dimension morale qui fait de la solidarité entre les
personnes une valeur centrale de la vie en commun.
Cette exigence de solidarité ne peut pas être laissée
à la commisération et à la charité des
mieux nantis ni aux aléas des élans de générosité
qui déferlent à certains moments sur nos sociétés.
La solidarité entre les personnes, pour être constitutive
de fraternité, doit être organisée, permanente
et générale.
De là découle la place centrale que la sécurité
sociale occupe dans notre projet.
De là découle aussi la nécessité de
l’organiser de manière telle qu’elle fonctionne
en harmonie avec les possibilités et les contraintes de la
situation réelle. Le prix de la solidarité ne peut
pas devenir un fardeau qui ébranle le dynamisme de l’appareil
de production ou qui, comme c’est le cas aujourd’hui,
écrase un seul facteur de production. Le financement de la
sécurité sociale doit donc être réparti
d’une manière qui prenne mieux en compte les nouvelles
conditions économiques découlant des progrès
techniques et de l’ouverture des marchés. Il ne peut
plus peser seulement sur les entreprises et le travail. Il doit
désormais s’appuyer sur l’ensemble des revenus.
Dans une société démocratique avancée,
la pauvreté et la précarité n’ont pas
leur place. La solidarité ne peut laisser personne sur le
bord de la route. Elle ne peut être refusée à
quiconque et elle doit continuer à s’exercer aussi
longtemps que nécessaire. C’est une question de dignité.
Le bénéfice de la solidarité ne peut cependant
pas devenir un mode de vie pour ceux qui n’ont besoin que
temporairement d’un filet de sécurité pour s’en
sortir et repartir de leurs propres ailes. Elle ne peut pas non
plus devenir une mécanique qui assure davantage le pouvoir
ou le revenu des opérateurs intermédiaires qu’elle
ne bénéficie aux destinataires.
VI. La sécurité
et la justice.
Les dramatiques événements que notre pays a connus
au cours de ces dernières années ont jeté une
lumière crue sur les déficiences, les lacunes, les
dysfonctionnements de notre système judiciaire et policier.
C’est la commission parlementaire elle-même qui l’affirme
lorsqu’elle écrit que "le système judiciaire
et policier [...]est profondément déficient , et que
tout le système doit être profondément repensé
et remanié, tant sur le plan humain que structurel, du haut
en bas de l’échelle, et que les réformes doivent
être poursuivies et menées à bien sans désemparer".
Jamais sans doute la crise de confiance n’a été
aussi grande entre les citoyens qui réclament protection,
humanité, et justice, et des appareils d’Etat qui semblent
totalement impuissants à rencontrer ces besoins élémentaires.
Sécurité et justice sont, à l’évidence,
des chantiers prioritaires pour les réformes radicales. Le
système doit changer.
L’ETAT DE DROIT
La citoyenneté et l’Etat de droit sont indissociables.
L’Etat de droit est gouverné par des principes, des
règles générales préétablies
qui fondent l’impartialité des décisions de
justice. Hors ces règles générales, c’est
le règne de l’arbitraire, de l’anarchie ou de
l’Etat policier.
L’Etat de droit est toujours à construire. Il n’existe
pas réellement si, dans la pratique, les règles ne
sont pas claires, ne sont pas applicables ou ne sont pas appliquées.
Si la loi est ambiguë, le pouvoir d’interprétation
est trop grand et ouvre la porte à l’arbitraire. Si
l’application de la loi suppose des moyens que l’Etat
ne donne pas, l’arbitraire peut aussi s’installer.
LA SEPARATION DES POUVOIRS
La séparation des pouvoirs est une pierre angulaire de
la démocratie. Un pouvoir judiciaire indépendant,
c’est la garantie donnée au citoyen de faire respecter
ses droits à l’encontre même du pouvoir politique
en place, des groupes puissants, des personnes influentes ou fortunées.
La séparation des pouvoirs exige que les nominations et les
promotions des magistrats obéissent à des règles
claires et transparentes, et non à des critères partisans.
La vassalisation des juges est l’antichambre de l’arbitraire.
PERMETTRE AU CITOYEN DE SE REAPPROPRIER LE DROIT
L’intervention toujours plus grande du législateur
dans des domaines toujours plus nombreux - sans parler des normes
européennes et internationales - ne permet plus au citoyen
de connaître facilement l’ensemble de ses droits et
obligations.
C’est pourquoi nous pensons qu’il serait souhaitable
que soient simplifiés, coordonnés et harmonisés
en un tout cohérent et lisible les multiples directives,
lois, décrets, ordonnances, règlements et arrêtés
qui régissent notre vie en société. Avec l’aide
du Conseil d’Etat, le Sénat nous paraît être
le lieu approprié pour un travail d’une telle envergure.
PLUS DE TRANSPARENCE ET D’EQUILIBRE
Une des sources du malaise actuel à l’égard
de l’appareil judiciaire provient de son opacité :
opacité des procédures, organisation du secret, pratiques
disciplinaires obscures. En priorité, il s’impose de
répondre au besoin de transparence que réclament les
parties civiles à l’égard de l’instruction.
Le souci légitime de préserver les droits de la
défense a eu trop souvent pour corollaire de favoriser le
prévenu au détriment de la victime.
Un rééquilibrage est nécessaire : la victime
ne doit plus seulement être tolérée dans les
procédures judiciaire et policière, elle doit y être
accueillie et considérée.
PLUS D’EGALITE
Pour qu’il y ait justice, il faut d’abord que chaque
citoyen puisse avoir réellement accès au juge pour
y plaider sa cause. Une justice de classe est la négation
de la justice elle-même. Cette exigence passe nécessairement
par la réforme du système des pro deo, et la mise
en oeuvre d’un système de mutuellisation des frais
au bénéfice des victimes.
PLUS DE RAPIDITE
Le bon exercice de la justice requiert que le juge soit en mesure
de se prononcer de manière équitable dans des délais
raisonnables. Cela signifie concrètement : des magistrats
en nombre suffisant en fonction des causes, la sanction des procès
dilatoires, la formation continuée des magistrats, la modernisation
accélérée des greffes.
PLUS D’HUMANITE
L’impartialité n’est pas l’inhumanité.
Trop de citoyens plaignants ou victimes ont le sentiment, dans leurs
contacts avec le monde judiciaire et policier, d’être
davantage des gêneurs que des sujets de droit. L’accueil
est trop souvent indifférent ou rébarbatif, les locaux
sinistres, le langage sec, incompréhensible, ou supérieur.
Le changement culturel s’impose aussi dans les palais et les
commissariats.
PLUS DE PROFESSIONNALISME
En réalité, beaucoup des lacunes de notre sytème
judiciaire et policier ont un nom : manque de professionnalisme
(absence de procès verbaux, mauvaise circulation de l’information,
absence d’accès à la documentation, indices
non traités,...).
Le système est peu performant parce que la rigueur fait
défaut. Il y a certes un problème de moyens. Il faudra
le rencontrer. Mais il y a aussi des déficiences humaines
et structurelles : amateurisme, guerre des polices, absence d’autorité
et de contrôle,...
En matière pénale, les affaires récentes
ont montré que les forces de police ont trop souvent tendance
à agir de manière autonome les unes par rapport aux
autres, et par rapport aux magistrats. Il faut affirmer clairement
que la maîtrise des enquêtes revient au magistrat informateur
(Parquet) ou instructeur (Juge d’instruction). Cela suppose
nécessairement :
- un nombre suffisant de juges d’instruction pour donner
à chacun le temps matériel de diriger effectivement
les enquêtes judiciaires;
- une formation continue et pluridisciplinaire des magistrats ainsi
que la mise à leur disposition d’une logistique performante;
- le réexamen total du principe de la compétence territoriale.
PLUS DE SECURITE
La sécurité est l’un des droits fondamentaux
du citoyen. Toute société civilisée a besoin
de forces de police efficaces, exerçant leur mission dans
le cadre de l’Etat de droit.
Actuellement, le triple sentiment d’impunité chez
les délinquants, d’abandon chez les victimes, et de
découragement au sein des forces de l’ordre entretient
chez les citoyens une impression croissante d’insécurité
et d’injustice. Il faut réaffirmer nettement que la
protection des citoyens est le premier devoir de l’Etat.
A ce titre, les forces de police doivent être réorganisées
et professionnalisées; elles doivent disposer des moyens
adéquats pour pouvoir lutter à armes égales
avec le crime organisé et le grand banditisme. Davantage
soucieuse de prévention, la police locale doit être
plus présente sur le terrain pour lutter contre la délinquance
de rue, les actes de vandalisme, les multiples formes d’agression
contre les personnes.
Tout crime ou délit mérite une sanction adéquate
et effectivement prestée.
Les prisons ne doivent pas être des écoles du crime.
L’enfermement doit être une sanction ultime, réservée
aux criminels et aux individus dangereux. Le recours aux peines
de substitution doit être la règle pour les délits
mineurs et les fautes de jeunesse. Dans cette optique, la Justice
doit se concevoir comme un moyen d’assurer la sécurité
de tous dans une politique plus large englobant la réduction
des risques, l’aide aux personnes en difficulté, l’accès
aux soins et à l’éducation.
VII. Notre
place dans le monde.
Les Wallons et les Bruxellois ont tout intérêt à
ce que la Belgique, la Wallonie et Bruxelles soient reconnus et
recherchés comme partenaires en Europe et dans le monde.
Grâce à une Wallonie redressée, notre pays
renforcera son influence au sein de l’Union européenne,
et Bruxelles affirmera d’autant mieux son rôle de capitale
européenne et internationale. Quant à la Wallonie,
elle pourra à nouveau s’exprimer d’une voix forte
et convaincante sur la scène belge, occuper son rang dans
l’Europe des Régions et dans la Francophonie mondiale.
NOTRE MEILLEUR PROJET : L’UNION EUROPEENNE
Dans l’Europe des Puissances ou des Etats Nations, le territoire
de notre pays a connu une existence chaotique; il a été
tour à tour occupé, annexé, cédé,
marchandé, véritable terrain de chasse des grands
prédateurs du moment.
Seule une Europe unifiée, démocratique et libre
peut garantir à la fois notre autonomie, notre identité,
notre prospérité. C’est pourquoi nous affirmons
que la construction de l’Union européenne, espace politique
de liberté, de justice et de paix, est le meilleur projet
que tous les Belges puissent avoir en commun. Il n’y a pas
pour nous de meilleur avenir possible que celui qui fait de nous
les citoyens d’une Union européenne forte, élargie
demain aux nouvelles démocraties d’Europe centrale
et orientale, dotée d’un vrai gouvernement fédéral
et d’un Parlement pleinement responsable.
Cette Union européenne doit d’abord avoir pour objectif
de promouvoir le bien-être et la prospérité
des citoyens européens. Elle doit s’affirmer comme
une grande puissance économique à l’échelle
de la planète. Elle en a déjà pris le chemin
en parlant d’une seule voix dans les négociations commerciales,
en développant des politiques communes, en organisant le
marché unique. Elle s’apprête à franchir
une étape, décisive et historique, par la réalisation
de la monnaie unique.
Elle doit aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite. La libre
circulation des personnes, des biens et des services à l’intérieur
de l’Union, si elle est souhaitable et nécessaire,
comporte aussi des risques : les trafiquants, les mafieux, les criminels
ont appris à utiliser le nouvel espace qui est ainsi créé.
Il est aujourd’hui impérieux et urgent que les Etats
de l’Union mettent en place des techniques et des mesures
communes pour lutter contre le crime organisé, les trafics
d’armes et de stupéfiants, le blanchiment d’argent,
les filières internationales d’immigration clandestine.
Les obstacles diplomatiques actuels qui entravent la coopération
policière et judiciaire doivent sauter.
Des opérations policières multinationales doivent
être conçues et organisées. Les magistrats instructeurs
doivent pouvoir communiquer directement entre eux au travers des
frontières nationales. Un véritable Parquet fédéral
doit être instauré.
Le nouvel espace économique interne doit lui aussi être
régulé. La mise en place du marché unique et
plus encore l’introduction de la monnaie unique vont engendrer
une forte pression concurrentielle. Le risque existe que certains
pays, pour en tirer profit, ne se livrent une guerre insidieuse
sous la forme de dumping fiscal, social, environnemental. Il faut
donc exiger que l’Union s’engage résolument dans
la voie de l’harmonisation fiscale (en particulier pour les
revenus du capital), de principes régulateurs en matière
sociale, et de normes communes pour la protection de la santé
et de l’environnement.
Puissance économique de premier plan, l’Union européenne
ne peut accepter que la mondialisation de l’économie
ne connaisse ni règle ni loi. Elle doit devenir l’avocat
déterminé de la régulation des échanges
internationaux. Des conventions internationales contraignantes doivent
imposer que les biens et service échangés soient produits
dans des conditions conformes aux droits de l’homme et du
citoyen (refus du travail forcé, interdiction du travail
des enfants, liberté d’association et de négociation).
Les pouvoirs de l’Organisation Mondiale du Commerce et du
Bureau International du Travail doivent être redéfinis
dans ce sens.
UNE PUISSANCE AU SERVICE DE LA PAIX
La tragédie yougoslave a démontré que les
Etats européens, sous peine d’impuissance coupable,
doivent pouvoir parler et agir d’une seule voix sur la scène
internationale. Elle a également montré qu’une
diplomatie qui ne peut mettre la force au service du droit quand
les circonstances l’exigent relève plus de la gesticulation
oratoire que de l’action politique.
Nous affirmons que l’Union européenne doit mettre
en oeuvre une véritable politique étrangère
et de sécurité commune. Nous affirmons, dans ce cadre,
la nécessité pour les Européens de renforcer
le pilier européen de l’Alliance Atlantique et de mettre
sur pied, dans un premier temps, une force d’intervention
rapide dotée des moyens adéquats sous une autorité
opérationnelle commune. Ce n’est pas au moment où
toutes les régions situées au Sud/Sud Est de l’Union
sont traversées par de profondes turbulences que les démocraties
occidentales doivent fermer les yeux.
La politique extérieure de l’Union doit aussi poursuivre
la mise en place d’une architecture européenne de sécurité
commune, en partenariat, avec la Russie et l’Ukraine. Le continent
européen ne sera définitivement stabilisé que
lorsque tous les Etats d’Europe seront dotés d’institutions
démocratiques stables, respectueuses des droits de l’homme,
et que le niveau général de prospérité
aura sensiblement augmenté. Coopération économique
et coopération politique doivent aller de pair.
UNE FORCE AU SERVICE DE LA JUSTICE
L’Humanité toute entière doit faire face aujourd’hui
à des défis sans précédent. A côté
de pays qui décollent, d’autres continuent de subir
les affres du sous-développement et de la misère (en
particulier en Afrique); les différentes formes de pollution
massive, l’exploitation sans retenue des ressources naturelles
non renouvelables menacent l’éco-système de
notre planète; les pandémies, le sida risquent de
décimer des populations entières. Autant de périls,
autant de défis face auxquels aucun pays, aucun ensemble
de pays même, n’est de taille à intervenir de
manière décisive. C’est notre planète
qu’il faut organiser.
Nous affirmons que l’Union européenne doit travailler
au renforcement de l’efficacité des grandes organisations
internationales. A cette fin, nous estimons indispensable une réforme
en profondeur du Conseil de Sécurité des Nations Unies,
et plus généralement de l’ensemble des institutions
du système onusien.
Dans le même esprit, et parce qu’il ne peut y avoir
de paix durable sans justice, nous nous prononçons pour l’instauration
rapide d’un Tribunal pénal international permanent,
chargé de poursuivre et de juger les commanditaires et les
auteurs de génocide et autres crimes contre l’Humanité.
Le respect des droits de l’Homme constitue une des missions
historiques essentielles des Européens.
|