Textes des articles et conférences
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le Préambule du Traité
de Rome et l'état d'esprit des Pères fondateurs
de l'Europe (Union des Avocats Européens, Rome)") |
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Les Européens en 2030 : vieux et pauvres
? (Cercle de Wallonie, Namur) |
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La création d'un espace de liberté,
de sécurité et de justice (PE, Bruxelles) |
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La directive Bolkestein (Centre Jean Gol, Bruxelles) |
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Les grands défis européens (CCIB,
Bruxelles) |
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Turquie, l'Europe n'est pas prête(UCL,
Chaire Glaverbel, Louvain-la-Neuve) |
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Comment dépanner la CIG ? |
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Le défi démographique européen |
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Une référence chrétienne
dans le texte de la future Constitution? |
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Convention pour une nouvelle Europe (Paris,
UDF) |
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La convention Europol (Université
Robert Schuman, Strasbourg) |
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Articles écrits
en collaboration avec Monsieur Rossetti di Valdalbero :
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L'énergie, thème prioritaire
pour l'Europe |
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Les enjeux de la "construction" européenne
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L'Europe, ses craintes et ses audaces
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Europe : à vocation fédérale
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Le patriotisme, ferment de l'Europe |
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L'Union, légitime espace politique des
Européens |
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Europe et Turquie: un mariage difficile
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le
Préambule du Traité de Rome et l'état
d'esprit des Pères fondateurs de l'Europe (Union
des Avocats Européens, Rome |
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Intervention
de Gérard Deprez à l'occasion de la célébration
du Cinquantième anniversaire
du Traité de Rome Union des Avocats Européens
Rome, 23 mars 2007
"Déterminés à établir les
fondements d'une union sans cesse plus étroite
entre les peuples européens." Alinéa 1.
Préambule du Traité de Rome.
Phase magique. C'est celle qui dit tout, qui annonce tout,
c'est l' a & l' ?, comme dirait Theilhard de Chardin.
Déterminés: c'est l'affirmation
d'un acte de la volonté, et non de la fatalité.
Ils ne sont pas poussés, ils ne sont pas conduits,
ils ne sont pas désireux, ils sont déterminés.
Politiquement, c'est un engagement fort.
Analytiquement, c'est une annonce.
L'aventure dans laquelle ils s'engagent et dans laquelle ils
engagent leurs peuples n'est pas un donné de l'histoire.
Ce sera, dès le départ, et cela restera toujours
un acte volontaire qui sait d'avance, qui annonce qu'il se
heurtera à beaucoup de réticences, à
beaucoup de résistance, voire même à des
oppositions, sinon à des hostilités. Il est
remarquable - et ce mot est aujourd'hui plus que jamais d'actualité
- que le traité de Rome débute par ce mot puissant
et radical: la détermination, c'est-à-dire l'affirmation
d'une volonté qui ne se laissera ni détourner,
ni arrêter.
Etablir les fondements:
Après la posture, la méthode. Les rédacteurs
sont conscients, dès l'origine, que ce qu'ils visent
à instaurer et qui sera précisé juste
après, n'est pas à portée de leur détermination,
si grande soit elle. Ce qu'ils visent ne se réalisera
qu'au travers d'une alchimie dont ils ne sont pas, dont ils
ne seront pas les acteurs décisifs.
En étant déterminés à établir
les fondements, ils précisent la nature de leur responsabilité
dans l'entreprise qu'ils initient, en même temps qu'ils
définissent, dans un raccourci saisissant, la nature
même de l'acte politique démocratique. Ils ne
sont pas les démiurges d'une nouvelle identité,
ni les architectes d'un homme nouveau, mais les artisans du
fondement.
Ils ont l'ambition d'établir le socle sur lequel pourra
se construire, non par eux mais par ceux aux noms desquels
ils parlent, ce qui est le but de leur entreprise mais dont
l'avènement leur échappe parce qu'il implique
une durée et qu'il est d'une nature qui est hors de
leur portée.
Une union sans cesse plus étroite.
Après la posture, après la méthode, voici
la finalité. Le mot employé ici revêt
une signification particulière. Il s'agit très
précisément du mot qui qualifie le lien le plus
positif et le plus intense qui puisse exister: l'union. Il
ne s'agit pas simplement d'une harmonisation de droits, de
convergence des intérêts, d'amélioration
des conditions de vie, il est question en réalité
de quelque chose de beaucoup plus immatériel, pour
ne pas dire spirituel: l'objectif est d'aboutir à créer
entre ceux qui sont les sujets historiques, le lien le plus
positif et le plus fort qui soit.
Et nous voilà au mot de la fin.
Quels sont les bénéficiaires de l'entreprise?
Ou plus exactement quels sont les acteurs décisifs
par lesquels pourra advenir ce qui est le but ultime?
Les mots employés ont ici aussi une signification très
précise et, pour dire le fond de ma pensée,
une portée magnifique.
Il ne s'agit pas des Etats, remarquons-le bien. Les Etats
signataires ne sont, à la vérité, que
les initiateurs de la démarche, les artisans de la
construction des fondements. Mais ce qu'ils mettent en mouvement,
c'est leur propre dépassement. Le lien positif et intense
qu'il s'agit de faire advenir, ce n'est pas entre eux qu'il
est question de l'établir. Ils ne sont donc plus, dans
l'ordre des finalités, ni les acteurs, ni les bénéficiaires
du lien. En d'autres mots, ce n'est pas une Union d'Etats
qui est le but de l'entreprise, mais une réalité
nouvelle qui est au-delà de ce qu'ils sont.
Ce n'est pas non plus une union de simples citoyens, monades
abstraites coupées de la réalité historique
qui les a singularisés.
En utilisant le concept de "peuples", les rédacteurs
du Traité affirment, dans une même envolée,
deux principes fondateurs.
Premier principe: la reconnaissance de la diversité.
Les habitants de l'espace européen, s'ils sont égaux,
ne sont pas identiques mais différenciés: ils
ont entre eux des liens privilégiés, préexistants
qui viennent de leur histoire, de leur langue, de leur culture,
de leur mode de vie et qui les constituent en tant que peuples
singuliers. Cette diversité des peuples, les rédacteurs,
non seulement ne la nient pas, mais ils la reconnaissent et
ils la consacrent.
Ils la consacrent d'ailleurs - c'est le second principe -
de la manière la plus explicite en faisant des peuples
européens à la fois les acteurs et les destinataires
ultimes de l'entreprise voulue par le Traité!
Sur base des fondements établis par les Etats Membres
fondateurs, c'est en effet aux peuples européens qu'il
revient, dans le respect de leur singularité, de tisser
les liens qui les conduiront à une union de plus en
plus étroite.
Jusqu'où ira cette union? La phrase ne le dit pas explicitement,
mais elle le fait deviner en creux. L'Union sera la matérialisation
du lien construit entre les peuples par les peuples, au-delà
des Etats membres fondateurs.
Si cela n'est pas une ambition politique fédérale,
je ne sais comment on pourrait qualifier le projet.
Voir
le texte en pdf |
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Les
Européens en 2030 : vieux et pauvres ? (Cercle
de Wallonie, Namur) |
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Conférence
sur le thème du vieillissement démographique
en Europe au "Cercle de Wallonie" (Namur)
Deux fois par mois, le Cercle de Wallonie accueille une personnalité
(monde financier, économique, culturel, politique,...)
lors d'un déjeuner suivi d'un exposé et d'une
séance de questions-réponses.
Le 31 mai 2006, c'était au tour de Gérard Deprez.
Derrière un titre volontairement provocateur : "les
Européens en 2030 : vieux et pauvres", il a pu
aborder quelques-uns des grandes questions qui le préoccupent
pour sauvegarder le potentiel d'avenir de l'Europe et des
Européens.
Gérard Deprez est devenu démographe ? Non...
Quoi qu'il en soit, accrochez-vous : derrière de nombreux
chiffres et tableaux, dont certains donnent le tournis, se
dessine le scénario quelque peu inquiétant des
perspectives démographiques en Europe et dans le monde
à plus ou moins brève échéance.
Il y est bien évidemment également question
des conséquences de ces évolutions sur les choix
politiques à faire dans les années à
venir.
Voir
le texte de la Conférence en pdf
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La
création d'un espace de liberté, de sécurité
et de justice (PE, Bruxelles) |
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I
La création d'un véritable espace de Liberté,
Sécurité et Justice est aujourd'hui une priorité,
non seulement du Parlement européen mais de l'ensemble
des Institutions européennes.
Cette priorité se manifeste concrètement au
travers de plusieurs indicateurs.
1) Une augmentation importante de l'activité
dans ce secteur:
- nombre de propositions
- dossiers actuellement en cours:
31 consultations
16 codécisions
- en 1999:
pas de codécision
25 dossiers en moyenne
- voir aussi l'importance de l'activité de traduction:
selon les chiffres récents 30 % de l'activité
traduction du Conseil concernent ce domaine.
2) Une augmentation importante des moyens budgétaires
prévus au bénéfice des politiques menées
dans ce secteur.
- Aujourd'hui, Titre 18 du budget général
- de 600 millions €/an.
- Demain, selon les propositions de la Commission pour les
perspectives financières 2007/2013, les crédits
affectés à l'espace LIBE avoisineraient annuellement
le milliard €.
- Le Parlement européen, dans le rapport Bögue
a jugé cette augmentation insuffisante et a ajouté
1 milliard € supplémentaire pour la période.
3) Une augmentation significative
du contrôle démocratique sur les politiques du
secteur.
En effet, à la fin de l'année 2004, le Conseil
a fait usage de la possibilité prévue à
l'article 67 du Traité CE (Traité
instituant la Communauté européenne), ce qui
a pour effet que l'essentiel des dispositions relatives aux
visas, à l'asile, à l'immigration et aux politiques
liées à la libre circulation des personnes relèvent
dorénavant de la codécision PE/Conseil.
Restent soumis à la simple consultation l'immigration
légale, certains aspects de la politique des visas
et ce qui relève du 3ème pilier. Le 3ème
pilier concerne, vous le savez, les dispositions relatives
à la coopération policière et judiciaire
en matière pénale.
4) Indicateur
L'investissement administratif dans le secteur Liberté,
Sécurité, Justice (DG JLS):
- 1999: 82 fonctionnaires
- 2005: 286 fonctionnaires
+ 24 agents temporaires
+ 22 postes à pourvoir
soit un effectif multiplié par 4 en 5 ans
5) Renforcement de la cohérence et de l'efficacité
des programmes
Dans le cadre de son document sur les perspectives financières
2007/2013, la Commission a proposé de regrouper les
instruments d'action et les lignes budgétaires dans
une rubrique spécifique du budget (Citoyenneté,
Liberté, Sécurité Justice) centrée
sur 3 programmes/cadre:
1) Liberté de Mouvement et solidarité
en matière de frontières extérieures,
d'asile et d'immigration,
2) Programme Sécurité,
3) Programme Justice et Droits fondamentaux.
POSITION DU PARLEMENT EUROPEEN
1) Nous nous réjouissons de l'importance croissante
du secteur Liberté/Sécurité Justice et
du renforcement des pouvoirs du Parlement européen
dans ce secteur et nous nous réjouissons que la codécision
fonctionne.
cf. rapport Cashman sur le code européen de franchissement
des frontières
2) Toutefois, nous estimons que la situation actuelle reste
démocratiquement insatisfaisante sinon inacceptable
et nous réclamons (voir en particulier le rapport Bourlanges):
1) l'utilisation de l'article 67 TEC en
vue d'étendre la codécision à l'ensemble
du secteur immigration, y compris immigration légale.
2) nous réclamons l'utilisation de l'article
42 du Traité de l'UE qui ouvre depuis 1993
la possibilité de soumettre au régime communautaire
tout ou partie des politiques du 3ème pilier, ce
qui impliquerait à la fois
- l'extension de la codécision législative,
- et la reconnaissance de la compétence de la
Cour de Justice européenne sur les matières
transférées.
3) nous réclamons aussi le pouvoir d'avis
conforme pour l'approbation des accords internationaux
en matière de coopération judiciaire pénale
et policière (aujourd'hui, nous sommes seulement
appelés à donner un avis.
exemple: rapports KIRKHOPE
- 4 accords CE/Suisse
- 1 seul par avis conforme)
4) nous réclamons également la transparence
des débats au Conseil lorsque celui-ci fonctionne
comme législateur ou co-législateur.
5) nous réclamons encore la transformation d'EUROPOL
en organe communautaire de manière
à permettre l'exercice d'un véritable contrôle
démocratique.
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ce texte en pdf
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Les
grands défis européens (CCIB, Bruxelles) |
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1. Recréer la confiance
1.1. Chez les citoyens d'abord
Comme le montrent les referenda, l'Europe est plus perçue
comme une menace que comme une chance.
L'Europe ne fait plus rêver dit J.C. Juncker.
D'où cela vient-il?
Beaucoup de raisons:
1) L'attitude des leaders politiques nationaux
- L'Europe BOUC EMISSAIRE
- L'Europe POTION MAGIQUE
2) L'élargissement sans fin, à rythme accéléré.
- 10 aujourd'hui, 12 demain, puis la Turquie - jusqu'où
3) L'hétérogénéité intérieure
- D'où délocalisation.
4) L'Europe PASSOIRE
- Immigration non contrôlée.
- Textile chinois.
1.2. Entre les Etats
- Les pingres et les nécessiteux.
- Les anciens et les nouveaux.
2. Recréer de la croissance
2.1. Les faits
C'est un fait que depuis 1999 - et à l'exception
de l'année 2001 - la croissance aux U.S.A. a été
systématiquement supérieure à la croissance
de la zone €.
D'après les prévisions, cela restera encore
le cas dans les prochaines années.
C'est un fait aussi
- que la croissance économique est en moyenne supérieure,
parmi les 15, dans les pays qui ne sont pas dans la zone
€ (Grande-Bretagne, Danemark, Suède).
- que la croissance économique dans 10 nouveaux
pays est en moyenne le double de celle des quinze:
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10 |
15 |
2004 |
5 % |
2 % |
2005 |
4,6 % |
1,9 % |
2006 |
4,8 % |
2,2 % |
- que la croissance économique des pays baltes atteint
des niveaux "à la chinoise".
Ainsi en 2004
Lettonie: + 8,5 %
Lituanie: + 6,7 %
Estonie: + 6,2 %
- qu'à l'intérieur de la zone €, les
plus mauvais élèves sont actuellement l'Allemagne,
la France, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Portugal.
2.2 Deux conclusions provisoires
- Si l'on excepte la zone €, la croissance économique
est bonne dans l'Europe des 25.
- Jusqu'à présent, la création de
l'€ n'a pas apporté, dans la zone, le surplus
de croissance et n'a pas permis de combler le retard de
croissance par rapport aux U.S.A.
2.3 Les défis pour la zone €
Je ne vais pas paraphraser les discours officiels - et
pertinents - sur la nécessité de mettre en
oeuvre la stratégie de Lisbonne, mais mettre l'accent
sur quelques éléments spécifiques.
1. Nécessité d'une vraie gouvernance économique
de la zone €.
La question qui est posée, au vu des performances
actuelles, est la suivante: peut-on avoir une seule politique
monétaire - et un seul taux d'intérêt
- dans une zone où les contraintes fiscales et les
conditions du marché du travail sont très
différentes, d'un pays à l'autre?
Personnellement, je ne le crois pas. [Comme le dit Irwin
M. Stelzer, Directeur au Hudson Institute]. Tant que ces
deux grands problèmes, celui de la fiscalité
et celui de la flexibilité et de l'ouverture du marché
du travail n'auront pas été résolus,
nous risquons de garder une croissance faible, un niveau
de chômage élevé et de difficiles problèmes
budgétaires.
2. Nécessité de redéfinir les missions
de la B.C.E.
Qu'on me comprenne bien. Je ne propose pas, que du contraire,
de remettre en cause l'indépendance de la B.C.E.
Je pense simplement qu'avoir donné à la B.C.E.
la seule mission de limiter l'inflation est un corset trop
restrictif.
La B.C.E. devrait avoir aussi comme mission, à l'instar
de la Réserve fédérale américaine,
de soutenir la croissance dans la zone €. Cela n'est
pas incompatible d'ailleurs avec l'obligation, comme c'est
le cas pour le Président de la Réserve fédérale
américaine, de venir s'expliquer, tous les six mois,
devant le P.E.
3. Nécessité de libéraliser
le secteur des services.
- N'attendez pas de moi ici que j'entre dans tous les détails
de la fameuse directive Bolkestein: le débat est en
cours et nul ne peut prévoir aujourd'hui ce qu'elle
deviendra au terme du processus de co-décision.
- Je veux simplement souligner la nécessité
de créer un espace européen de services d'où
sont bannies les discriminations et les entraves basées
sur la nationalité à la liberté d'établissement
et à la libre prestation des services.
- Contrairement à ce que beaucoup pensent, les pays
de la zone € ont beaucoup plus d'avantages à espérer
de la suppression des entraves à la liberté
d'établissement qu'ils n'ont à craindre l'invasion
des plombiers polonais.
4. Nécessité de travailler plus.
4.1 Au niveau mondial
4.2 U.S.A.
J'ai lu récemment un article qui prétendait
démontrer qu'en tenant compte:
- de la durée hebdomadaire du travail,
- du nombre annuel de jours de congé,
- de la durée effective de la carrière,
un américain travaille en moyenne sur une vie aux
moins 4 ans de plus qu'un européen (des 15).
[A quoi il convient d'ajouter que depuis quelques années
déjà, la productivité aux U.S.A. a
dépassée la productivité européenne].
4.3 Vieille Europe / Nouvelle Europe
En 2004, les salariés des dix nouveaux Etats Membres
de l'U.E. ont travaillé en moyenne 122 heures - soit
plus de trois semaines - de plus par an que ceux de l'Union
à quinze (chiffres publiés par l'Observatoire
des relations industrielles de la Fondation de Dublin).
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Turquie:
l'Europe n'est pas prête(UCL, Chaire Glaverbel,
Louvain-la-Neuve) |
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|
A
la fin de cette année, les Chefs d’Etat et de
Gouvernement doivent décider d’ouvrir ou non
les négociations avec la Turquie en vue de son adhésion
à l’Union européenne. Cette décision
– qu’ils se sont engagés à prendre
suite, essentiellement, aux pressions de la Turquie et des
Etats-Unis – est censée mettre fin à une
situation pour le moins singulière : depuis le sommet
d’Helsinki, la Turquie bénéficie officiellement
du statut de pays candidat alors même que, jusqu’à
présent, toutes les institutions européennes
ont expressément répété qu’elle
n’était pas en état de remplir les conditions
politiques préalables à l’ouverture de
négociations d’adhésion.
Cette singularité est en soi l’indication de
ce que la question turque - que le jargon communautaire entend
traiter exactement de la même manière que les
autres demandes d’adhésion - constitue en réalité
un cas très particulier qui mérite un traitement
spécifique.
Du point de vue des officiels du politiquement correct, la
seule question qui se pose, d’ici à la fin de
l’année, est de savoir si la Turquie a fait suffisamment
de progrès sur le plan démocratique pour «
mériter » l’ouverture officielle de négociations
d’adhésion. Cette question est certes essentielle,
mais elle est loin d’être suffisante. S’agissant
d’adhésion à un groupe, il est évidemment
nécessaire de vérifier si le postulant remplit
les conditions préalables à son adhésion.
Mais il faut aussi – sinon d’abord – vérifier
si le groupe d’accueil est en mesure d’intégrer
le nouveau membre, sans dénaturer son objet social
ou sa finalité et sans créer, en son sein, des
problèmes susceptibles d’empêcher son fonctionnement.
En d’autres termes, il est urgent de débattre
de la question suivante : l’Union européenne
est-elle aujourd’hui en état d’assumer
le démarrage de processus d’adhésion de
la Turquie ?
Cette question simple mais fondamentale doit être posée
maintenant tant il est évident qu’une fois le
processus enclenché, il ne sera plus possible de l’arrêter
sous peine de provoquer de très fâcheuses conséquences.
A mes yeux, la réponse est claire : l’Union européenne
n’est pas en état d’assumer la mise en
œuvre du processus d’adhésion de la Turquie.
En premier lieu, les citoyens européens n’y sont
pas prêts. C’est un fait indéniable que
le statut de candidat a été octroyé à
la Turquie quasiment en catimini, au sommet d’Helsinki,
sans aucun débat démocratique préalable
à quelque niveau que ce soit. Ce n’est que très
récemment, et singulièrement dans deux pays
qui sont considérés comme l’axe moteur
de la construction européenne (l’Allemagne et
la France), que le débat public s’est engagé
à l’approche des élections européennes.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le débat
ne tourne pas, dans ces deux pays, à l’avantage
des promoteurs de l’adhésion : d’après
les prises de position des grands partis démocratique
et les résultats répétés des sondages
d’opinion, il n’y a pas, ni en France, ni en Allemagne,
de majorité parmi les citoyens pour approuver la perspective
de l’adhésion de la turquie. Ce serait, à
tout le moins une innovation risquée pour l’avenir
de la construction européenne qu’une décision
importante et grave soit prise contre l’avis de la majorité
de la population de l’axe franco-allemand.
Ce serait plus dommageable encore s’il était
établi qu’une majorité de la population
des 25 Etats membres est opposée à l’adhésion
de la Turquie. Faute de données fiables, le fait, pour
plausible qu’il soit, ne peut cependant être considéré
comme acquis.
Il y a pire encore, du pont de vue du respect des principes
de base de la démocratie. C’est très exactement
au moment où les citoyens européens commencent
à prendre conscience de l’enjeu et à vouloir
en débattre que les officiels du système redoublent
d’efforts pour forcer la décision. A leurs yeux,
il n’y a plus de choix : cela fait quarante ans que
la Turquie « frappe » à la porte, «
on » lui a promis qu’elle adhérerait un
jour, c’est le moment de le faire. Etrange conception
de la démocratie que celle où ceux qui ont pris
des engagements sans en référer aux peuples,
leur expliquent qu’il faut respecter ces engagements,
pour la raison qu’ils auraient été pris
en leur nom. Dans un système européen que le
support populaire déserte de manière inquiétante,
voici donc une contribution significative – sinon décisive
– à l’aggravation du mal.
Si les citoyens européens ne sont pas prêts,
les institutions européennes ne le sont pas davantage.
La décision, on le sait, doit être prise avant
la fin de cette année. A-t-« on » bien
mesuré – j’emploie à dessein ce
« on » pour désigner l’ensemble des
officiels du politiquement correct – qu’à
ce moment , nul ne sera en mesure de savoir si le projet de
Constitution européenne, actuellement en discussion,
verra ou non le jour. Soit, il n’y aura pas eu d’accord
sur le projet et le rêve de Constitution aura vécu
; soit , en cas d’accord, faudra-t-il attendre le résultat
de la ratification dans le dernier des 25 Etats membres qui
devront se prononcer.
Il est stupéfiant de constater que nos Chefs d’Etat
et de Gouvernement se sentent prêts à lancer
le démarrage de l’élargissement le plus
contesté de l’Union alors même qu’ils
ne savent pas si les institutions seront capables de gérer
le précédent. Pratiquement tous, en effet, s’accordent
aujourd’hui pour reconnaître que les dispositions
du (calamiteux chiraquien) Traité de Nice qui seraient
d’application en cas d’échec du projet
constitutionnel, ne permettent de garantir ni la capacité
de décision de l’Union élargie, ni la
mise en oeuvre de nouvelles politiques communes, ni l’action
commune sur la scène internationale.
Ainsi n’est-il pas surprenant, dans ce contexte, de
constater l’extrême cohérence dont font
preuve les plus acharnés des eurosceptiques : ils sont
à la fois des partisans inconditionnels de l’adhésion
de la Turquie et des adversaires irréductibles de la
Constitution européenne. Faut-il prendre le risque
de leur donner raison ?
Les Citoyens ne sont pas prêts. Les institutions ne
le sont pas davantage. Les ressources financières de
l’Union sont-elles, quant à elles, en état
d’absorber le choc de la perspective de l’adhésion
de la Turquie ? Je ne le crois pas.
Parmi les questions difficiles qu’il faudra trancher
après les élections européennes, il y
a incontestablement le budget futur de l’Union. Ce n’est
un secret pour personne que le situation budgétaire
de plusieurs Etats membres est actuellement fort préoccupante
: l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, le Portugal,
la Grèce, l’Italie, sont dans le rouge ; leur
disponibilité à cotiser davantage à la
caisse européenne est loin d’être évidente.
Parallèlement, six des pays contributeurs nets au budget
européen - ceux qui paient plus qu’ils ne reçoivent,
au premier rang desquels figure l’Allemagne –
ont fait connaître publiquement leur volonté
de limiter le budget européen à 1% du P.I.B.
de l’Union. Ce qui revient à dire qu’ils
veulent financer l’Europe à 25 avec le même
budget que l’Europe à 15.
Comment le système européen pourra-t-il , très
bientôt, concilier l’attitude restrictive des
« paumés » budgétaires et du club
des « pingres » avec les attentes légitimes
des 10 nouveaux Etats membres dont les besoins sont connus
et les exigences prévisibles ? Cette équation
qui, en soi n’est pas simple, risque d’être
singulièrement compliquée par la perspective
de l’adhésion de la Turquie. Les experts de 10
nouveaux pays savent en effet parfaitement que le plateau
anatolien qui couvre la quasi-totalité du territoire
turc exigera un effort financier à eu près comparable
à celui de l’élargissement actuel, compte
tenu de son faible niveau de développement économique,
de l’importance de sa population agricole (45%), de
son retard en matière d’infrastructure. L’idée
de devoir, dans un avenir proche, contribuer budgétairement
à la prise en charge de cet immense plateau ne peut
que conduire les 10 nouveaux pays à maximiser leurs
demandes immédiates de peur d’être victimes,
à brève échéance, d’un déplacement
des priorités et des moyens. Dans un tel contexte,
les négociations budgétaires déjà
objectivement compliquées risquent de devenir sordides
sinon franchement destructrices pour la cohésion européenne.
D’autant que, d’ici à l’adhésion
de la Turquie, d’autres pays candidats (à commencer
par la Roumanie et la Bulgarie) viendront frapper à
la porte de la caisse européenne.
De tout ce qui précède, je conclus qu’il
serait dangereux pour l’Union Européenne de laisser
le chefs d’Etat et de Gouvernement décider à
la fin de cette année d’ouvrir les négociations
d’adhésion avec la Turquie. Non seulement parce
que la Turquie n’est pas prête, ce qui est évident
à mes yeux mais ne fait pas l’objet de cet article
; mais d’abord et surtout, parce que l’Union européenne
n’est pas en état de le faire, ni démocratiquement,
ni institutionnellement, ni financièrement.
Gérard Deprez, Ministre d’Etat et Député
européen |
|
I. Le contexte
1.1 Côté positif
L’existence et le contenu du projet de constitution
qui est actuellement la base des travaux de la C.I.G. est
en soi un petit miracle.
Qui aurait imaginé, après le lamentable sommet
de Nice que moins de trois années plus tard, le traitement
du résidu de Nice allait engendrer une dynamique produisant
et la Convention et le projet de constitution, et cela en
pleine phase d’élargissement de l’Union
!
1.2 Côté négatif
Cela dit, l’échec de Bruxelles en décembre
s’est produit à un moment particulièrement
délicat : l’année 2004 sera une année
cruciale pour l’avenir de l’Europe puisque l’Union
devra faire face, au moins, à 7 problèmes sensibles,
sinon stratégiques.
Les élections européennes auront lieu pour
la première fois dans 25 pays. La composition de la
nouvelle Commission, et en particulier le choix de son président,
en tenant compte du résultat des élections européennes,
pourrait donner lieu à quelques difficultés.
Le rodage (espérons que cela ne sera pas du cafouillage)
des institutions, dans leur nouvelle composition, pourrait
s’avérer plus laborieux que prévu, ne
fût-ce que sur le plan linguistique.
L’élaboration des perspectives financières
2007/2013, entre le seuil de 1% du P.I.B. fixé par
les restrictifs et le niveau de 1,27 voulu par les gourmands
(ou les réalistes), donnera lieu, à coup sûr,
à de longues discussions, sinon même à
de féroces marchandages.
La décision relative à l’ouverture ou
non des négociations avec la Turquie sera, en tout
état de cause, un enjeu disputé, aux conséquences
largement imprévisibles.
Les négociations de la C.I.G. relatives au projet
de Constitution.
La révision du Pacte de Stabilité qui est,
d’ores et déjà, à l’ordre
du jour des travaux de l’Union.
C’est un agenda extrêmement lourd, extrêmement
sensible, susceptible d’entraîner de multiples
interférences et des blocages croisés.
Une crise majeure est possible en 2004.
Pour éviter ce risque, ma conviction est que tout
doit être mis en œuvre pour que le projet de Constitution
puisse être adopté avant les élections
européennes, et idéalement avant le 1er mai
(jour de l’élargissement).
II Est-ce possible ?
Je n’en sais rien, même si je m’acharne
à le vouloir. Je vois en tout cas quelques conditions
préalables, dont certaines sont déjà
remplies, et qui seront nécessaires à n’importe
quel moment et d’autres qui doivent encore être
remplies.
2.1. Conditions remplies
2.1.1. Changement de présidence du Conseil
Il est clair, à mes yeux que la présidence
italienne, dans le chef en tout cas de Berlusconi, n’a
pas été à la hauteur :
manque de crédit de Berlusconi lui-même auprès
de ses pairs
dilettantisme : absence de méthode
2.1.2. Le nouvelle présidence donne l’impression
d’avoir opté pour la bonne méthode :
modestie
rigueur
discrétion
2.1.3. La prise de conscience assez générale
des risques de l’échec, de la part de tous les
acteurs significatifs.
2.2. Conditions à remplir
2.2.1. L’assainissement du couple franco-allemand
C’est un fait, à mes yeux, que le couple franco-allemand
s’est comporté ces dernières années
de manière à la fois insupportable, incohérente
et inefficace.
Les deux, chacun dans leur genre, ont commencé par
sacraliser les résultats de Nice, avant d’en
devenir les plus grands pourfendeurs.
Les deux, (surtout Chirac) ont cadenassé à
Berlin les montants budgétaires disponibles pour les
grandes catégories de dépenses jusqu’en
2006 (avantage à Schroëder !) en sanctuarisant
les dépenses agricoles (avantage à Chirac !).
Les deux se sont comportés comme des « manches
» dans l’affaire irakienne, à l’égard
de leurs partenaires européens en donnant aux autres
l’impression qu’ils n’avaient qu’à
suivre (le couple décide, seul, les autres suivent).
Chirac a ajouté, en sus, la couche d’odieux inacceptable,
en particulier à l’égard de la Pologne.
Les deux se sont exonérés des contraintes
du pacte de stabilité – ce qui est quand même
un comble pour Schroëder, qui dirige le pays qui a imposé
(à l’époque de Waigel) le pacte aux autres
pays candidats à l’EURO.
Les deux, par la multiplication des contacts informels avec
l’un ou l’autre grand pays, détricotent
à qui mieux mieux, la légitimité des
institutions et détruisent la confiance entre les grands
et les petits pays.
La liste, qui n’est pas exhaustive, est assez longue
pour indiquer que ce n’est pas autour de l’arrogance
– et de l’incohérence – du couple
franco-allemand qu’il faut chercher la solution.
Bref, la Belgique doit prendre un peu de champ par rapport
à ce couple déboussolé. L’idéal,
pour relancer une vision commune, est de travailler avec l’ensemble
des pays fondateurs, comme l’a suggéré
récemment Valéry Giscard d’Estaing.
2.2.2. Parallèlement, il faut retrouver de la compréhension
pour les deux pays les plus réfractaires : la Pologne
et l’Espagne.
Leur problème n’est pas seulement, et peut-être
pas d’abord, un problème d’égoïsme,
mais un problème de rang, ou de statut si l’on
préfère.
Ce sont deux pays qui veulent garder le rang (celui de grand
pays) que Nice leur avait donné et dont ils pensent
qu’on veut dorénavant les priver.
Je suis, à cet égard, de l’avis de Helmut
KOHL qui vient, au cours d’une interview dans le Frankfurter
Allgemeine, de recommander de ne pas sacraliser la formule
de la majorité des Etats membres et des 60 % de la
population pour définir la majorité qualifiée
au sein du Conseil.
« Nous devons, dit-il, abandonner l’idée
selon laquelle le nombre de voix doit refléter exactement
la taille (la population) du pays ». Et il ajoute que
« la taille d’un pays n’est pas seulement
déterminée par la démographie, mais aussi
par son industrie, sa culture et son rayonnement ».
J’ajouterais, pour ma part, la position géopolitique
et l’histoire.
Car c’est précisément ce qui est en jeu
dans le cas de la Pologne et de l’Espagne.
Comment peut-on imaginer que la Pologne, voisine de l’Allemagne,
et dont l’inconscient collectif reste profondément
traumatisé par la brutalité conjointe du Reich
et des soviets, puisse accepter facilement de se voir imposer
des décisions qu’elle jugerait contraire à
ses intérêts par une majorité dont l’Allemagne
serait le promoteur ?
Comment peut-on imaginer que l’Espagne de AZNAR, ou
de son successeur, se laisse « snober » en permanence
par le couple franco-allemand alors que ce pays enregistre
des performances remarquables sur le plan économique
et que l’Espagne se vit comme une grande puissance mondiale,
du fait des relations iber-américaines et du formidable
développement de la langue espagnole sur le continent
américain.
Je répète, qu’à mes yeux, ce
qui est en jeu dans l’attitude de la Pologne et de l’Espagne
est d’abord une question de rang.
On a fait remarquer, à juste titre, que tant l’Espagne
que la Pologne pèsent légèrement plus
dans le calcul des voix au Conseil en se basant sur le système
proposé par la Convention de préférence
au système du Traité de Nice : de 7,8 % à
8,2 % pour l’Espagne, de 7,8 % à 8 % pour la
Pologne.
Mais, en réalité, le problème n’est
pas là. Tenir son rang comporte à la fois un
aspect symbolique (être reconnu pratiquement comme un
égal) et un aspect politique : être en mesure
de s’opposer plus facilement à une décision
majoritaire qui ne va pas dans le sens de leurs intérêts.
C’est pourquoi, ce qui importe à la Pologne et
à l’Espagne, c’est davantage leur poids
dans la minorité que dans la majorité.
Et, de ce point de vue, le Traité de Nice est beaucoup
plus avantageux pour eux que le projet de la Convention :
Nice leur donne en effet 30 % de la capacité de blocage
alors que la Convention ne leur propose que 20 % ! Dans le
système du Traité de Nice, il faut notamment
obtenir 255 voix sur un total de 345 pour atteindre la majorité
qualifiée. La minorité de blocage se situe donc
à 91 voix. Avec leurs 27 voix chacun, la Pologne et
l’Espagne représentent donc chacune 30 % de la
capacité de blocage. Dans le projet de la Convention,
il ne s’agit plus que de 20 %.
III Quelques pistes de réflexion
Je ne veux pas aborder ici la totalité des problèmes
qui subsistent et que je ne connais d’ailleurs pas,
puisque la présidence italienne n’a pas laissé
de P.V. détaillé sur les difficultés
qui restent à surmonter.
En toute hypothèse, il faudra se mettre d’accord
sur la composition de la Commission et sur le mode de calcul
de la majorité qualifiée du Conseil.
3.1. La composition de la Commission
3.1.1 Personnellement, je n’apprécie pas le
système proposé par la Convention, à
mettre en œuvre à dater du 1er novembre 2009.
Je ne crois pas à la praticabilité du système
de coexistence entre un groupe de 15 commissaires avec droit
de vote et un groupe (10, puis 12, puis 15…) de commissaires
sans droit de vote.
J’imagine mal une Commission où un commissaire
maltais et un commissaire slovène voteront au moment
où un commissaire allemand et un commissaire hollandais
ou polonais regarderont voler les mouches.
Le grand risque d’un tel système est d’affaiblir
le poids politique de la Commission (par absence de «
représentant » de l’un ou l’autre
grand pays) et d’y introduire une dimension proprement
intergouvernementale. Je crois en effet que le commissaire
non votant, surtout s’il représente un grand
pays, aura tendance à se comporter comme une sorte
de super Représentant Permanent de son pays au sein
de la Commission.
3.1.2 Je ne crois pas non plus qu’à terme il
serait souhaitable de maintenir le système d’un
commissaire par pays. Avec l’accession des pays issus
du démembrement de l’ancienne Yougoslavie, le
cap des 30 commissaires sera allègrement dépassé
et le poids relatif des petits pays deviendra disproportionné
par rapport à celui des grands pays.
3.1.3 Personnellement, je ne vois que deux systèmes
praticables :
- Soit, après 2009 (ou 2013), on abandonne le principe
d’un commissaire par état (avec ou sans rotation).
A charge pour le Président de la Commission, une fois
élu par le Parlement, de choisir librement un nombre
déterminé de commissaires (15 ou 20) et d’obtenir
pour son équipe un vote d’investiture du Parlement
européen. Dans ce cas, je conseillerais au futur président
de la Commission d’embarquer dans son équipe
un commissaire issu de chacun des grands pays. Faute de le
faire, il risquerait de se heurter en permanence aux représailles
du grand pays ignoré, lequel, sans doute, s’appliquerait
avec un zèle revanchard à fédérer
les mécontents.
- Soit, après 2009 (ou 2013), on globaliserait les
postes disponibles dans 3 institutions – à savoir,
la Commission, la Cour de Justice et la Cour des Comptes –,
chaque pays étant assuré d’avoir en permanence
deux représentants, et étant entendu que chaque
grand pays aurait en permanence un représentant dans
la Commission.
Ainsi, dans une Union de 25 Etats Membres, il suffirait de
fixer à 50 le nombre total de postes disponibles dans
les trois institutions (par exemple, 20 à la Commission,
15 à la Cour de Justice, 15 à la Cour des Comptes*),
en organisant une rotation tous les cinq ans, avec la seule
réserve que les grands pays auraient en permanence
un C
Dans une Union à 30 membres, il n’y aurait que
60 postes à répartir, à comparer aux
90 qui résulteraient de l’application du système
où chaque pays aurait en permanence un représentant
dans chacune des trois institutions.
En toute hypothèse, de 2004 à 2009, il est
déjà acquis qu’ils seront 75 à
occuper un poste de Commissaire, de Juge ou de Membre de la
Cour des Comptes. Est-ce bien raisonnable ?
3.2. La majorité qualifiée au sein du Conseil
3.2.1. Personnellement, je puis marquer mon accord sur le
système proposé par la Convention : une décision
est acquise à la majorité qualifiée si
elle recueille l’assentiment d’une majorité
d’Etats représentant 60 % de la population de
l’Union.
3.2.2. Remarquons toutefois que le seuil de 60 % est assez
arbitraire et peut être discuté. Disons, pour
faire simple, que le seuil idéal (dans la logique de
la Convention) serait situé à 50 % et que le
seuil maximum acceptable serait établi à 62
% (c’est le chiffre du Traité de Nice).
4.2.3. Toutefois, l’application d’un tel seuil
– même à 62% – n’est pas de
nature, sauf improbable miracle, à rencontrer les objections
de la Pologne et de l’Espagne, quant à leur rang,
c’est-à-dire, ainsi qu’on l’a vu,
quant à leur capacité de refuser des décisions
qu’elles considèrent comme contraires à
leurs intérêts fondamentaux.
4.2.4. Pour rencontrer cette objection, on pourrait utilement
s’inspirer du mécanisme de la sonnette d’alarme
tel qu’il est prévu par la Constitution belge.
Gérard Deprez
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Le
Défi démographique européen |
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I. Les perspectives démographiques
1.1. Au-delà des problèmes immédiats
qui font l'actualité européenne - l'élargissement,
les moyens financiers de l'Europe élargie, la Constitution
européenne, l'adhésion de la Turquie -, il y
a, à l'œuvre dans nos sociétés,
un certain nombre de réalités lourdes de sens
pour l'avenir, même si elles sont invisibles à
l'œil et ne retiennent ni l'attention des médias,
ni des citoyens, ni même de la plupart des hommes politiques.
1.2. Parmi ces réalités lourdes - je les appelle
"lourdes" parce qu'elles sont très peu modifiables
à court et même à moyen terme -, il y
a les réalités démographiques dont les
conséquences - c'est en tout cas ce que je pense -,
vont modifier la carte du monde et la position relative de
l'Europe au sein de celui-ci.
1.3. Quelques chiffres
Je me base, dans cette analyse, aussi bien sur les documents
officiels des Nations Unies que sur les travaux de Centres
de Recherche spécialisés.
La question est la suivante : quel sera l'état démographique
de l'Union à l'horizon de 2050, en référence
à l'évolution d'autres parties du monde ?
- En 2050, on peut considérer comme probable - je
retiens les hypothèses moyennes -, que l'U.E. (les
15 actuels) aura perdu 58 millions d'actifs et que le nombre
des personnes âgées de plus de 60 ans aura augmenté
de 43 millions.
- Selon toute vraisemblance, un pays comme l'Espagne (avec
l'un des taux de natalité les plus bas du monde), qui
compte aujourd'hui 40 millions d'habitants en comptera moins
de 30 en 2050.
- Le cas de l'Italie est comparable : d'après les
prévisionnistes, en 2050, l'Italie comptera autant
de pensionnés que d'actifs.
- Il ne faut pas attendre, sur le plan démographique,
de miracle de l'élargissement actuel : les 10 pays
adhérents suivent une évolution démographique
comparable à celle des 15 pays actuellement membres
de l'UE.
- Seule la Turquie présente un profil totalement différent
: elle, qui frôle aujourd'hui les 70 millions d'habitants,
devrait en, compter au moins 80 millions en 2050, ce qui ferait
d'elle, en cas d'adhésion, le pays le plus peuplé
de l'Union.
- Quelques autres points de comparaison significatifs :
les USA compteront, en 2050, 50 millions d'habitants de plus
qu'aujourd'hui - ce qui veut dire qu'ils seront à eux
seuls plus peuplés que les 15 pays de l'Union actuelle
;
le Mexique, qui a actuellement une population active d'environ
51 millions, verra cette population atteindre 81 millions,
soit pratiquement le double de la population active de l'Allemagne
à la même époque (43 millions) ;
Vers 2050, la population de la Chine avoisinera 1,7 milliard,
et la population de l'Inde sera vraisemblablement plus élevée
(vu l'absence de politique de contrôle des naissances)
;
La population musulmane totale, dans le même temps,
avoisinera le 1.4 milliard, contre un peu plus de 300 millions
il y a un siècle.
1.4. Le conclusion est simple : dans un monde en expansion
démographique (et donc de plus en plus jeune), l'Europe
sera une zone en déclin démographique, avec
une population de plus en plus âgée.
II. Le défi
Cet état de choses aura d'énormes conséquences,
dont beaucoup sont encore imprévisibles aujourd'hui.
Il y en a une en tout cas qui est sûre : une population
de plus en plus âgée exigera, dans la répartition
de la richesse nationale, une part de plus en plus élevée,
pour assurer à la fois le paiement des pensions, la
demande accrue de soins de santé (et de revalidation),
sans parler des besoins de sécurité.
Dans l'état actuel de fonctionnement de nos systèmes
sociaux, cela signifie très concrètement qu'un
nombre plus réduit d'actifs devra assumer la charge
d'un nombre plus élevé de retraités -
qui, par ailleurs, vivront de plus en plus longtemps.
Le facteur travail risque en conséquence de coûter
de plus en plus cher, ce qui entraîne automatiquement
des exigences plus élevées en matière
de productivité et des risques plus grands de délocalisation
des activités vers les zones où le coût
du travail sera moins élevé.
En un mot, l'équation est rude et le défi colossal.
III. Que faire ?
Il est évident qu'il n'y a pas de réponse simple,
d'autant que dans l'histoire, l'imprévisible (épidémie,
catastrophe,...)occupe une place importante.
Je voudrais toutefois mettre en exergue trois éléments
qui, en toute hypothèse, seront des ingrédients
indispensables de toute solution.
3.1. Une croissance plus forte
C'est un fait indéniable - quoi que profondément
regrettable - qu'au cours des 20 dernières années,
la croissance de l'économie américaine a été
sensiblement supérieure à la croissance de l'économie
européenne.
Il y a sans doute de nombreux facteurs qui permettent d'expliquer
cet état de faits. Il y en a un toutefois qui est évident
: les Européens investissent trop peu dans la recherche
et l'innovation ;
- la part des brevets européens est en diminution
dans le total des brevets déposés ;
- les investissements tant publics que privés dans
la R&D sont inférieurs en Europe, en pourcentage
du PIB, aux taux atteints par les USA et le Japon.
C'est pourquoi je veux saluer ce qu'il est convenu d'appeler
"La Stratégie de Lisbonne" - c'est-à-dire
la décision prise à Lisbonne par le Sommet Européen
de faire de la zone U.E., l'économie la plus performante
du monde pour 2010.
Encore faut-il s'en donner les moyens, ce qui est loin d'être
le cas actuellement, tant dans les entreprises privées
qu'en ce qui concerne les budgets nationaux et le budget de
l'U.E.
Sait-on qu'aujourd'hui, le budget de l'U.E. consacre quasiment
40% de ses ressources au soutien de la politique agricole,
et seulement 5% pour la R&D ? Sait-on que sous la pression
en particulier de J. CHIRAC, dont il est rare qu'il soit bien
inspiré, la part réservée à l'agriculture
a été sanctuarisée dans le budget de
l'U.E. jusqu'en 2013 ?
Quelques signes d'optimisme apparaissent cependant ces derniers
temps. La Commission PRODI vient notamment, dans ses propositions
pour les perspectives financières de l'U.E. pour la
période 2007-2013, de prévoir une augmentation
sensible des crédits européens consacrés
à la R&D.
3.2. Un marché du travail plus dynamique
D'une manière générale, et par comparaison
avec le reste du monde développé, il faut admettre
qu'il y a trop peu d'Européens qui travaillent (taux
d'activité), qu'ils travaillent trop peu (durée
du temps de travail), et qu'ils s'arrêtent trop tôt
de travailler (âge de départ à la retraite).
3.2.1. Plus de gens au travail
Le taux d'activité (nombre de personnes qui travaillent
effectivement par rapport au nombre total de personnes en
âge de travailler) est trop bas en Europe - et beaucoup
trop bas en Belgique et plus encore en Wallonie.
Augmenter le taux d'activité est une priorité
absolue, reconnue comme telle d'ailleurs dans le cadre de
la stratégie de Lisbonne.
3.2.2. Elargir les plages de travail
Notre marché du travail est trop réglementé,
trop bureaucratique et trop rigide. Tant en ce qui concerne
la durée du travail qu'en ce qui concerne la durée
de la vie active, nos systèmes ne sont pas adaptés
ni pour soutenir la croissance, ni pour faire face au défi
démographique qui est devant nous.
3.3. Une politique raisonnée d'immigration
Actuellement, tous les pays de l'U.E font face à des
flux migratoires importants qui se manifestent sous diverses
formes :
- immigration clandestine organisée par des circuits
criminels
- utilisation des Conventions Internationales protégeant
les réfugiés et camouflant, dans 85% des cas,
des demandeurs économiques
- tourisme de travail...
Cette pression migratoire de fait ne va pas cesser, compte
tenu de la situation politique, économique, démographique
des pays d'Afrique du Nord, d'Europe de l'Est, du Moyen-Orient.
Plutôt que de subir ces flux migratoires incontrôlés,
et compte tenu des perspectives démographiques européennes,
il faut commencer à concevoir une politique raisonnée
d'immigration.
En offrant, chaque année ou par période, des
quotas d'immigration, les pays de l'Union auront une chance
:
de ralentir les filières clandestines
de desserrer la pression abusive à la demande de statut
de réfugié
de diversifier les zones d'origine
de tenir compte des besoins réels de leur économie
de combler, au rythme voulu, les déficits démographiques
prévisibles
Conclusions
Ces quelques réflexions n'ont aucune prétention
à l'exhaustivité. Elles visent simplement à
stimuler la réflexion pour mieux préparer l'avenir.
Certes, les prévisions ne constituent pas, par définition,
des certitudes, même si en l'occurrence, les tendances
sont lourdes.
Par ailleurs, les pistes de réponse proposées
ne sont qu'esquissées.
Toutefois, une chose est sûre : le défi devant
lequel va se trouver la "Vieille Europe" est d'une
telle dimension qu'il est urgent que les Européens
s'en préoccupent et se préparent, activement
et intelligemment, à y faire face.
Gérard DEPREZ.
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Faut-il
une référence explicite au christianisme
dans le texte de la future convention européenne? |
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Tout
a commencé fortuitement. Voici près d’un
an, vers la mi-temps des travaux de la Convention, l'un de
mes amis, Domenico V. m’a présenté un
texte d’une petite demi-page, me demandant de le signer.
A priori, la réponse devait être positive, tant
Domenico et moi avions déjà co-signé
des textes d’intérêt européen, reflétant
des positions communes. Parcourant le texte, je découvre,
avec surprise, qu’il s’agit d’un appel en
faveur de l’introduction d’une référence
explicite au christianisme dans le texte de la future convention
européenne.
Spontanément, bien qu’avec beaucoup de retenue,
je décline la proposition, expliquant que cela ne me
paraît pas opportun. A mes yeux – et je n’ai
pas changé d’avis à cet égard –
une constitution n’est pas et ne peut pas être
un livre religieux, et encore moins un livre saint : c’est
la charte fondatrice d’un espace politique qui doit
organiser et garantir le respect des convictions de tous les
citoyens. De ce fait, une constitution démocratique
n’a pas à exprimer de préférence
confessionnelle ou religieuse ; elle ne peut être que
« laïque ».
De manière paradoxale toutefois, alors que je croyais
le débat clos, cet événement fortuit
a éveillé en moi un intérêt de
simple curiosité d’abord, de véritable
questionnement ensuite. Je me suis mis à suivre, avec
une attention de plus en plus soutenue, le développement
d’une « disputation » dont l’ampleur
n’a cessé de croître, et partant, mon intérêt
pour elle.
Réglons d’abord leurs comptes à quelques
excès. Ainsi, parmi les adversaires de la référence
chrétienne, il est des textes qui s’apparentent
à une forme de négationnisme d’un genre
nouveau. A titre d’exemple, je cite les propos d’un
conventionnel français (CONV 577/03. CONTRI. 256) qui
n’hésite pas à écrire : «
L’élément religieux ne constitue pas un
élément identitaire de l’Union européenne
et il n’y a aucune raison de l’introduire dans
le texte constitutionnel. Il est d’ailleurs constant
dans l’histoire de l’Europe que les religions
ont été un des éléments souvent
tragiques, de la division de l’Europe ». Il y
a certes une part de vérité dans le point de
vue de notre moderne sans-culotte. Encore faudrait-il ne pas
occulter la contribution civilisatrice décisive du
christianisme, notamment au Moyen-Age et surtout ne pas oublier
que les boucheries les plus sanglantes de l’Europe du
20ème siècle ont été engendrées
par les pathologies nationalistes (14-18), le néo-paganisme
hitlérien (40-45) et le laïcisme lénino-stalinien.
De la même manière, dans le camp des zélotes
de la référence chrétienne, il y a des
demandes qui sont, à mes yeux, difficilement justifiables.
Ainsi en est-il par exemple, de ce passage de la lettre envoyée
en juin 2003 par Mgr Josef Homeyer, président de la
commission des épiscopats de la Communauté européenne
à V. Giscard d’Estaing, alors président
de la Convention : « … Permettez-moi également
de renouveler notre proposition en vue d’une référence
à Dieu. Rappeler les limites du pouvoir humain, la
responsabilité devant Dieu, l’Humanité
et la Création, serait montrer de manière claire
que le pouvoir public n’est pas absolu ». Il m’est
difficile de comprendre qu’une personnalité de
haut rang de l’Eglise catholique puisse ignorer (feigne
d’ignorer ?) que l’objet principal d’une
constitution démocratique est précisément
de « contenir » le pouvoir public, en ce qu’elle
impose le respect des droits fondamentaux des citoyens et
qu’elle organise le contrôle des institutions
politiques par ceux-là même dont elle consacre
les droits. Le propre d’une constitution démocratique
tient précisément au fait qu’elle n’a
nul besoin d’un garant extérieur – qu’il
soit d’ordre religieux, philosophique ou scientifique
– pour établir sa légitimité et
fixer ses limites : c’est un contrat social, à
la fois solennel et pragmatique, qui lie les contractants
en même temps qu’il les libère. En se refusant
d’aborder la question du sens, une constitution démocratique
ouvre tout grand l’espace d’expression des convictions
religieuses et philosophiques.
Cheminant laborieusement entre ses excès, je me suis
rendu compte, un beau jour, que les conventionnels venaient
de franchir une étape importante en distinguant ce
qui doit être de l’ordre du dispositif constitutionnel
(les articles) et ce qui relève du préambule
(déclamation identitaire et prophétique).
Dans le dispositif constitutionnel, les conventionnels, en
adoptant l’article 51(1) ont solennellement confirmé
des principes essentiels, déjà consacrés
par ailleurs dans les différentes constitutions des
Etats membres : liberté de religion, liberté
de culte, reconnaissance spécifique du rôle des
Eglises et des communautés religieuses.
A première vue, ce texte qui me satisfait doit être
aussi de nature à répondre aussi bien aux attentes
des croyants que des incroyants. Il m’apparaît
d’ailleurs qu’il correspond, quasi point par point,
aux revendications expresses formulées par le pape
Jean-Paul II dans l’ « Exhortation apostolique
» de juin 2003, adressée aux rédacteurs
du futur traité constitutionnel(2).
Pour ce qui est du préambule – qui est, je le
rappelle, une déclamation à la fois identitaire
et prophétique – les choses se présentent
beaucoup moins bien. Après bien des palabres et de
nombreuses impasses, les conventionnels ont fini par s’accorder
sur un texte dont la banalité frise, à mes yeux,
l’indigence : « S’inspirant des héritages
culturels, religieux et humanistes de l’Europe…
». Qui ne voit qu’il s’agit là d’un
texte de castrat, dans lequel l’énumération
de vocables abstraits camoufle mal l’incapacité
de donner contenu, et donc sens, à ce qui est prétendument
signifié ? Mais en quoi donc consistent précisément
ces héritages culturels, religieux et humanistes dont
nous sommes les héritiers ?
En tant que chrétien, j’ai tendance à
partager sur ce point le jugement de Jean-Paul II pour lequel
l’absence de toute référence au christianisme
est une « injustice » car « reconnaître
un fait historique indéniable ne signifie pas méconnaître
l’exigence moderne d’une juste laïcité
des Etats, et donc de l’Europe ». Fait historique
indéniable, juste laïcité des Etats, les
choses sont claires. Dans cet esprit, plaider pour une référence
explicite à l’héritage chrétien
dans le préambule n’est pas une nouvelle croisade
qui vise à christianiser rétrospectivement tout
notre passé ou à christianiser les générations
futures. Il s’agit simplement de rappeler que les valeurs
qui guident les européens d’aujourd’hui
et qui sont proclamées dans leur projet de constitution,
se sont constituées au cours des siècles dans
un corps-à-corps permanent, souvent consensuel, parfois
conflictuel sinon même tragiquement brutal, entre le
christianisme et ses institutions d’une part, les citoyens
et les pouvoirs dits temporels d’autre part.
Il me plaît, à cet égard, de citer les
propos d’un conventionnel socialiste espagnol que je
veux évoquer, de manière quelque peu paradoxale,
à l’appui de ma position. Il écrit «
que nombre de nos valeurs se sont forgées contre les
Eglises et [qu’] en matière de démocratie,
de droits de l’homme et d’égalité,
Dieu est un converti récent ». C’est pour
respecter ses convictions à lui, qui procèdent
d’une autre tradition que la mienne, que je plaide pour
que la référence au christianisme soit accompagnée
d’autres références dont le caractère
historique est aussi indéniable. Si notre histoire
européenne est marquée par le christianisme,
cette marque n’est pas la seule, ni même, pour
beaucoup la plus pertinente. Nous sommes les héritiers
d’une histoire complexe qui a plusieurs socles.
C’est pourquoi, tout bien pesé, je proposerais
que la fameuse phrase du préambule soit réécrite
de la manière suivante : « S’inspirant
, en particulier, des héritages de la civilisation
gréco-romaine, du christianisme et de l’humanisme
des Lumières… ». Il me semble que, dans
cette formule, l’histoire trouve son compte et l’Europe,
des fondements pour son avenir.
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Convention
pour une nouvelle Europe (Paris, UDF) |
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Intervention
de Gérard Deprez Convention pour une Nouvelle Europe
7 décembre 2002
Nous passons maintenant aux institutions et c'est Gérard
Deprez qui va nous présenter l'état du débat
institutionnel et la manière dont il souhaite que nous
prenions le problème.
Gérard DEPREZ. - Une fois Monsieur
le Président merci que tu me donnes la parole ! Pardonnez-moi,
je pensais que vous vouliez du belge, et j'allais vous donner
du belge ! (Rires)
Il y a une boutade de Jean-Louis Bourlanges que je veux vous
transmettre. Il a dit qu'il comprenait parfaitement bien que
ce soit à moi que l'on demande de prendre la parole
sur les institutions politiques de l’Union parce que
je viens du seul pays au monde qui a des institutions plus
compliquées et plus difficiles à comprendre
que l’Union européenne.
(Rires...)
Une réflexion sérieuse, avant de poser le problème
de l'avenir des institutions.
Je veux dire que l'avenir de l’Union européenne
est basé non seulement sur des idées mais d’abord
sur une force de conviction. Quand, il y a très peu
de temps, un certain nombre d'hommes, dont certains sont dans
cette salle – je fais référence expressément
à François Bayrou – ont plaidé
ouvertement à un moment où tout le monde ne
parlait que de l'euro-scepticisme pour qu'on se lance dans
la construction d'une Europe basée sur une Constitution
européenne, on n’a entendu que des ricanements.
Aujourd’hui, s'il y a déjà une chose qui
est acquise à la Convention sur l'avenir de l'Europe,
c'est que demain, l'Europe aura une Constitution et cela c'est
fantastique.
Je vais essayer d'indiquer maintenant quelles sont les grandes
idées générales qui doivent être
à la base des institutions que nous devons construire
et concevoir pour l'Europe de demain.
En premier lieu, et je pense qu'il faut s’en souvenir
en permanence, l’Union européenne ou la Communauté
européenne ou les États-Unis d'Europe, autrement
dit ce que nous allons faire en commun avec les peuples et
les États d'Europe, aura toujours une double légitimité.
Nous devons concevoir des institutions qui permettent à
la fois de répondre aux aspirations des États
– il y aura toujours une dimension fédération
d'États dans la construction européenne –,
et aux aspirations de ce que j’appelle la communauté
des citoyens.
Concevoir une Europe dans laquelle on ne respecte pas et on
n'articule pas ces deux principes : fédération
d'États et communauté de citoyens, c'est construire
une Europe bancale.
Deuxièmement, contrairement à certains, y compris
en France, qui croient que la méthode communautaire
ou la méthode intergouvernementale c'est la même
chose, j’affirme qu’il y a une différence
radicale entre les deux.
La méthode communautaire est celle qui conduit à
l'intégration, la méthode intergouvernementale
est la méthode du passé et du maintien du nationalisme
des États.
Troisièmement, et je pense que c'est essentiel, comme
le débat de ce matin l'a bien montré, nous devons
concevoir des constitutions pour une Europe non pas élargie,
mais réunifiée parce qu'une Europe réunifiée
ne change pas seulement de dimension, elle change de nature.
Nous ne devons plus gérer seulement, comme à
l’origine, un club de quelques pays, nous devons concevoir
des institutions politiques qui vont gérer l'avenir
d'un continent et la position de ce continent comme acteur
dans la mondialisation.
Quatrièmement, dans tout débat sur les institutions,
la question n'est pas de savoir quelle est l'institution qui
va avoir la prééminence ou qui va être
la plus forte. Ce qui doit être notre objectif, c'est
de concevoir l'architecture institutionnelle susceptible d'atteindre
au mieux les objectifs que l'on se fixe en respectant des
principes que l'on a établis. Donc évitons une
guerre en disant : je renforce ceci, je renforce cela. Non.
Concevons l'architecture et la dynamique institutionnelle
qui produit le meilleur résultat par rapport à
ce que nous voulons faire ensemble.
Cela, ce sont vraiment à mes yeux les considérations
de base qui doivent nous guider lorsque l'on discute de l'avenir
des institutions européennes.
Nous devons le faire avec un certain nombre de principes
: il y en a 3, et les trois correspondent à ce que
vous sentez tous, à ce que vous demandez tous de vos
institutions nationales et que les citoyens européens
demandent aujourd'hui et demanderont encore plus demain des
institutions européennes.
Il faut plus d'efficacité, il faut plus de démocratie,
il faut plus de transparence.
Je parlerai très peu de la transparence. Ceux d'entre
vous qui sont intéressés se reporteront à
deux documents extraordinaires que je trouve à la fois
superbes sur le plan intellectuel et parfaitement pertinents
sur le plan politique. Le premier, c'est le rapport de notre
ami Alain Lamassoure sur la répartition des compétences
entre l'Union européenne, les États-membres
et les collectivités locales ; le deuxième,
c'est un des rapports qui vient d'être déposé
à la Convention, qui émane du groupe de travail
D'Amato et qui propose de simplifier considérablement
les instruments d'intervention législatifs européens
en les faisant passer de 15 à 3. C'est quand même
une simplification sérieuse.
Sur base de ces principes entrons maintenant dans quelques
éléments clés du débat.
Que doit-on faire dans l'immédiat pour rendre les institutions
plus démocratiques ?
Selon moi, la première exigence, c'est que le président
ou le chef... (je ne sais pas quel nom il doit porter) ou
le Premier Ministre ou le patron de l'exécutif européen,
doit être investi de la confiance du Parlement européen.
Nous avons besoin d'un chef de l'exécutif européen
qui soit investi directement de la légitimité
parlementaire des mandataires élus directement par
les citoyens européens.
Idéalement, en vertu du principe de la double légitimité
dont j'ai parlé, cet homme devrait soit être
proposé par le Conseil européen, soit recevoir
l'investiture du Conseil européen. Il y aura à
ce sujet un débat, que je ne veux pas trancher aujourd’hui.
Mais il y a deux questions qui sont en discussion à
propos de ce chef de l'exécutif qui n'est pas, à
mes yeux, seulement le chef de la Commission. Je pense tout
d’abord que nous devons avoir le courage et l'intelligence
d'inventer un concept d'exécutif qui dépasse
la seule Commission. Faut-il ensuite que le chef de cet exécutif
soit responsable à la fois devant le Parlement européen
et devant le Conseil des Ministres ? C'est une position affirmée
dans le document de la Commission hier. Elle a été
affirmée également dans le mémorandum
du Bénélux. Elle vient donc de divers côtés.
Je me pose sérieusement la question de savoir s'il
faut faire cela. Pourquoi ?
Comment allons-nous arbitrer la situation, dans le cas ou
une institution, par exemple le Parlement européen,
va confirmer sa confiance au président de l'exécutif
alors que le Conseil européen va la lui retirer. Comment
tranchons-nous cela ?
Ou bien alors on doit - et c'était la première
intervention de votre ministre des affaires étrangères
à la Convention, Monsieur de Villepin, qui m'a beaucoup
choqué - inventer un mécanisme par lequel le
Conseil des Ministres européen puisse dissoudre d'autorité
le Parlement européen ... Oui, le ministre des affaires
étrangères de l'État français
a fait cette proposition. Je dis que c'est vraiment le genre
de proposition qui est une erreur sur tous les plans. Vous
allez détruire le principe même de la double
légitimité. S'il y a deux légitimités,
elles doivent être indépendantes l’une
de l’autre et si vous donnez à l'une, celle du
Conseil, le pouvoir de détruire l'autre, vous établissez
une sorte de droit au coup d'État institutionnel de
la part des États-membres contre les élus directs
du Parlement européen. Pour moi, c'est une grave erreur.
Plus de démocratie, cela veut dire aussi que demain
dans toutes les matières législatives, le Parlement
européen doit pouvoir être co-législateur
avec le Conseil. Ce qui est loin d'être le cas maintenant.
Il y a des secteurs dans lesquels on prend tous les jours,
dans l'architecture institutionnelle actuelle, des décisions
qui permettent à des citoyens d'entrer ou de ne pas
avoir le droit d'entrée sur le territoire européen
sans qu'il y ait jamais aucun Parlement, ni national ni européen,
qui ait eu un mot à dire. Ça, c'est la méthode
intergouvernementale que l'on pratique encore maintenant dans
le secteur de la justice et des affaires intérieures.
C'est un vrai scandale démocratique.
En ce qui concerne l'efficacité des institutions,
je me limiterai à deux points.
La première mesure la plus nécessaire, la plus
impérieuse, celle à l'aune de laquelle on jugera
l'intérêt des travaux de la Convention, c'est
d’exclure dans la future Constitution européenne
la possibilité pour les États nationaux de continuer
à exercer leur droit de veto.
J'ai une nouvelle fois été surpris et déçu
que lors de sa première intervention devant la Convention,
le ministre français des affaires étrangères
ait réclamé le droit pour l'État français
de continuer à exercer son veto dans le domaine de
la PAC.
Je suis partisan de la PAC. Je suis partisan d'aider les pays
qui sont des puissances agricoles dans l’Union européenne
: la France, la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie…
mais je pense que réclamer, dans un domaine dont chacun
sait qu'il est essentiel aux intérêts stratégiques
d'un Etat, le pouvoir de veto, c'est conduire tous les autres
Etats à demander le pouvoir de veto dans des matières
qu'ils considèrent comme étant importantes pour
eux et c'est créer le blocage généralisé.
Je vais traiter le dernier problème avec une certaine
légèreté. Ce problème, dont on
débat beaucoup en Europe, est le fait de savoir si
la figure emblématique de l’Union demain doit
être plutôt le président de la Commission
ou plutôt une figure qui émanera du Conseil des
Ministres. Je vous ai déjà donné ma réponse.
Pour moi, la figure emblématique de l'Europe demain,
c'est le président ou le Premier Ministre ou le patron
de l'exécutif européen.
Mais on entend beaucoup parler d'une figure emblématique
qui sortirait du Conseil des Ministres. Ces derniers jours,
les pays du Bénélux viennent de faire savoir
d'une manière particulièrement énergique
qu'ils n'accepteraient jamais un Président qui soit
extérieur au Conseil des Ministres. Cela veut dire
: impossible pour notre ami Jacques Delors, impossible pour
notre ami Giscard d'Estaing. Je pense que ce ne sont pas les
personnalités les plus potentiellement malfaisantes
pour l'avenir !
Cela dit, j'ai noté les paroles prononcées par
le président de la convention Valery Giscard d'Estaing
à Paris devant l'Assemblée Nationale, la semaine
dernière. Il est venu faire un plaidoyer explicite
pour une présidence du Conseil européen qui
soit plus stable et moins anonyme qu'actuellement. Il a dit
textuellement ceci : « il appartiendrait à ce
président de veiller à ce que le Conseil européen
exerce la fonction qui lui est assignée par le traité
de l’Union européenne et qui consiste à
donner à l’Union les impulsions nécessaires
à son développement et à en définir
les orientations de politique générale ».
Donc, si je comprends bien, même si je traduis un peu
librement les propos de notre illustre conférencier,
il s'agirait de désigner une sorte de chairman of the
board ou bien, pour le dire en belge, une sorte d'Albert II
(le Roi des belges) à la fois débonnaire et
visionnaire !
Ma conclusion est la suivante.
Si cela était véritablement le cas, et si nous
avions confirmé antérieurement le principe que
la personnalité emblématique de l’Union
est le patron de l'exécutif européen, je vous
conseille de ne pas refuser a priori un Albert II qui serait
à la fois débonnaire et visionnaire.
Merci de votre attention.
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Journée
d'étude internationale - Université Robert
Schuman Strasbourg,
le 6 octobre 2000 |
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"La Convention Europol : l'émergence d'une police
européenne ?
Intervention de Gérard DEPREZ :"Le point de vue
du Parlement européen"
Mesdames, Messieurs,
La tâche qui m'échoit aujourd'hui à l'occasion
de cette journée d'étude consacrée à
Europol est quelque peu délicate.
Il m'incombe en effet de vous présenter le point de
vue du Parlement européen sur Europol, c'est-à-dire
de vous entretenir d'une matière qui est, aux yeux
de la majorité des parlementaires européens,
un sujet de frustration permanent.
Comme vous le savez en effet, les compétences du Parlement
européen à l'égard d'Europol sont très
limitées. Elles sont définies à l'article
34 de la Convention, et se bornent à prévoir
:
que la Présidence du Conseil adresse annuellement
au Parlement européen un rapport spécial d'activités
sur les travaux menés par Europol;
que le Parlement européen est consulté lors
de la modification éventuelle de la Convention.
Et comme pour confirmer à plaisir le rôle marginal
du Parlement européen, le même article prévoit,
au paragraphe 2, que "vis-à-vis du Parlement européen,
la Présidence du Conseil ou le représentant
désigné par la Présidence tient compte
des obligations de réserve et de protection du secret",
comme si cela n'allait pas de soi !
Si vous acceptez avec moi que l'essence du contrôle
parlementaire réside dans la possibilité de
statuer sur les fondements juridiques et des contrôler
l'action des personnes responsables, il est manifeste que
le contrôle exercé par le Parlement européen
sur Europol est absolument marginal. En réalité,
nous devons admettre que, dans le système actuel, l'essentiel
du contrôle parlementaire incombe aux parlements des
Etats membres.
C'est un premier objet de frustration pour le Parlement européen,
ou à tout le moins pour la majorité "active"
de ses membres.
Il en est un second qui tient moins à la faiblesse
des compétences du Parlement européen qu'à
la méthode utilisée par les Etats membres pour
créer et pour gérer l'Office européen
de Police (encore que les deux aspects soient étroitement
liés).
Par nature, aurai-je tendance à dire, et en tout cas
par la vocation qu'il s'est lui-même définie,
le Parlement européen se veut le moteur ou à
tout le moins le garant de la méthode communautaire,
qui veut que les matières d'intérêt commun
soient "communautarisées", c'est-à-dire
initiées et gérées par les institutions
communautaires, dans l'esprit des Traités Fondateurs.
De ce point de vue, la Convention Europol - même si
elle constitue un progrès par rapport à la situation
antérieure - est une source de frustration "méthodologique"
pour le Parlement européen, puisqu'elle procède
directement de la méthode intergouvernementale.
Cette double frustration du Parlement européen est
donc dans notre esprit la conséquence directe de deux
"fautes" de conception du système "Europol":
une faute contre l'intégration européenne,
puisqu'elle privilégie la méthode intergouvernementale"
par rapport à l'approche communautaire;
une faute contre la démocratie, puisque dans une matière
délicate qui touche aussi directement au droit des
personnes, Europol n'est pas soumis à un contrôle
parlementaire efficace, lequel n'est pas réellement
possible au niveau interétatique.
C'est donc tout naturellement avec l'objectif de corriger
cette double faute que le Parlement européen aborde
la problématique Europol.
C'est en tout cas ce qui apparaît dans la plus récente
prise de position du Parlement européen à l'égard
d'Europol. Il s'agit de la "Recommandation du Parlement
européen au Conseil sur Europol : Renforcement du contrôle
parlementaire et élargissement des compétences",
parue au Journal Officiel des Communautés européennes
du 30 juillet 1999.
Ce texte, il est important de le noter, est l'aboutissement
d'une initiative parlementaire. Il s'agit en fait d'un rapport
d'initiative de M. Hartmut Nassauer autorisé par la
Conférence des Présidents du Parlement européen,
et adopté par la plénière le 13 avril
1999.
L'esprit de ce texte est parfaitement résumé
dans les "considérant" de la proposition,
qui s'articulent autour du raisonnement suivant :
Le Parlement européen se dit "convaincu que le
contrôle exercé par les parlements nationaux
sur les mécanismes interétatiques est lourd
et peu efficace, et que sa propre information ne peut être
considérée comme un contrôle parlementaire
suffisant" (Considérant Q)
Le Parlement européen se dit, par ailleurs, "convaincu
que le développement d'Europol en unité de police
dotée de pouvoirs d'intervention devrait être
envisagé comme une réponse à l'extension
de la criminalité transfrontalière organisée
[...]" (Considérant U)
Il en découle logiquement, pour le Parlement européen,
qu'un tel "Office européen de police intervenant
pratiquement dans le domaine juridique protégé
du citoyen [...] ne peut plus être organisé de
manière interétatique, mais doit reposer sur
une base juridique communautaire qui puisse justifier les
compétences directes du Parlement [européen]
en la matière" (Considérant X)
C'est en s'appuyant sur ce raisonnement que le texte adopté
par le Parlement européen formule 19 recommandations,
dont les plus importantes visent précisément
à tirer les premières conséquences opérationnelles
des principes affirmés et approuvés.
Ainsi, la recommandation 5 "invite le Conseil à
décider de la reprise du budget d'Europol dans le budget
communautaire et à prendre en considération
les décisions budgétaires qui s'imposent conjointement
avec le Parlement lorsque la Commission aura fait des propositions
dans ce sens."
Je vous signale d'ailleurs à ce propos qu'en tant
que rapporteur pour le budget de la Commission des libertés
et des droits des citoyens, de la Justice et des Affaires
intérieures, j'ai veillé à ce que le
Budget Général de la Communauté européenne
comprenne dès à présent une ligne budgétaire
spécifique, dénommée "Europol",
destinée à l'inscription éventuelle des
ces crédits. Malheureusement, jusqu'à présent,
le Conseil des Ministres n'a pas souhaité modifier
la Convention Europol sur ce point, laquelle prévoit
en son article 35 un financement sur la base de contributions
des Etats membres.
Sur un plan plus opérationnel, la recommandation 14
"invite le Conseil, en vue de lutter efficacement contre
la criminalité transfrontalière, à vérifier
s'il peut transférer à Europol la responsabilité
de coordonner la lutte contre cette criminalité dans
le cadre de ses compétences, y compris le pouvoir indispensable
de donner des instructions aux autorités policières
nationales, et quelles bases juridiques doivent être
créées à cette fin".
La recommandation 16 invite le Conseil, dans cette hypothèse,
"à prévoir la création d'un parquet
européen, ou d'un autre type d'autorité légale,
chargé de guider, d'une manière professionnelle,
les activités d'investigation d'Europol."
Tout le système est couronné par les recommandations
17 et 18 où le Parlement européen demande expressément
"de consacrer le principe selon lequel Europol relève
du droit communautaire et de le soumettre à la responsabilité
d'un membre de la Commission", lequel sera soumis au
contrôle du Parlement européen.
Si je devais, en guise de synthèse, résumer
la position du Parlement européen à propos d'Europol,
j'aurais tendance à formuler les choses de la manière
suivante :
Dans l'état actuel des choses, l'Office européen
de police n'a pas, sur le plan opérationnel, les moyens
de lutter efficacement contre les formes de criminalité
qu'il doit aider à combattre.
En outre, alors qu'Europol doit, dans l'accomplissement de
sa mission, traiter essentiellement des données à
caractère personnel, le contrôle parlementaire
interétatique auquel il est soumis n'est ni adéquat,
ni efficace.
C'est pourquoi il faut transférer à Europol
des compétences en matière de coordination transfrontalière
des opérations de police, ce qui implique nécessairement
la création d'un parquet communautaire.
Pour respecter la légitimité démocratique
et la possibilité de contrôle parlementaire,
il faut que ce parquet européen dépende de la
Commission européenne, qui doit être elle-même
responsable devant le Parlement européen.
C'est ainsi qu'aux yeux du Parlement européen, l'efficacité
opérationnelle, la légitimité démocratique
et l'intégration européenne se rejoignent dans
l'intérêt et des citoyens, et des peuples et
des Etats.
Il me reste enfin, en guise de conclusion, à aborder
un problème particulier mais essentiel, à savoir
la protection des données à caractère
personnel.
Vous n'ignorez pas que le Traité signé à
Amsterdam le 2 octobre 1997 a introduit dans le Traité
instituant la Communauté européenne l'article
286, dont le paragraphe 1 est libellé comme suit :
"A partir du 1er janvier 1999, les actes communautaires
relatifs à la protection des personnes physiques à
l'égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation de ces données
sont applicables aux institutions et organes institués
par le présent traité ou sur la base de celui-ci."
Le paragraphe 2 prévoit que le Conseil institue un
organe indépendant de contrôle chargé
de surveiller l'application de cette disposition : il s'agit
du contrôleur européen de la protection des données
(ou C.E.P.D).
C'est ainsi qu'actuellement, le Parlement européen
examine une proposition de règlement du Conseil relatif
à la protection des personnes physiques à l'égard
du traitement des données à caractère
personnel par les institutions et organes de la Communauté
et à la libre circulation de ces données. Le
vote sur cette proposition est d'ailleurs prévu la
semaine prochaine en commission des libertés et des
droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures
(Rapport Paciotti).
Vous savez, par ailleurs, que tant la Convention Europol
(26 juillet 1995) que la Convention d'application de l'accord
de Schengen (19 juin 1990) et la Convention sur l'emploi de
l'informatique dans le domaine des douanes (26 juillet 1995)
ont toutes prévu des autorités de contrôle
des données au niveau national, et d'autres autorités
communes de contrôle des données au niveau européen.
Cela signifie que, outre les autorités nationales
de contrôle, il existe trois autorités de contrôle
communes au niveau européen, chacune d'elles étant
jusqu'ici dotée de son propre secrétariat et
étant compétente dans son domaine.
Pour tenter de simplifier quelque peu les choses, la République
portugaise a pris l'initiative de proposer une décision
du Conseil portant création d'un secrétariat
unique pour ces autorités de contrôle communes
(Rapport Hernandez Mollar, adopté par la plénière
le jeudi 21 septembre dernier).
Face à cette situation - dont le moins que l'on puisse
dire est qu'elle est caractérisée par une complexité
élevée et une hétérogénéité
profonde -, le Parlement européen est en train d'adopter
une position conforme à ce que je vous ai indiqué
précédemment, à savoir : volonté
de communautarisation et renforcement concomitant du contrôle
démocratique.
Pour le Parlement européen, en effet, "la protection
des personnes physiques dans le traitement des données
à caractère personnel [...] devrait, à
moyen terme, déboucher sur l'adoption d'une réglementation
composée de normes communes de protection et, dans
ce cas, aboutir à la création d'une autorité
unique, chargée de garantir cette protection."(Considérant
1 nouveau, Rapport Hernandez Mollar).
Pour le Parlement européen, cette autorité
unique, disposant d'un secrétariat unique, devra être
dotée de la personnalité juridique, avoir un
budget et un personnel propres, ainsi qu' un domaine de compétences
étendu à toute l'activité de l'Union
européenne, sans considération de "piliers".
C'est dans cet esprit que le Parlement européen fait
actuellement pression sur le Conseil pour que les frais découlant
de la mise en marche du secrétariat soient inscrits
à une section spécifique du budget général
des Communautés européennes, et non à
la section du budget général relative au Conseil.
Dans le même temps, le Parlement européen demande
également que les dépenses relatives à
l'installation et au fonctionnement des services du contrôleur
européen de protection des données soient inscrites
à la même section spécifique du budget
général des Communautés européennes.
Par ce fait, le Parlement européen entend jeter budgétairement
les bases d'un organe unique de contrôle de la protection
des données en tant que garantie de l'uniformité
dans le traitement des cas soumis au contrôle.
Voilà, Mesdames, Messieurs, ce que je puis vous dire
aujourd'hui de la position du Parlement européen à
l'égard d'Europol.
Dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, la stratégie
du Parlement européen s'articule autour de deux axes
:
renforcement du contrôle démocratique
renforcement de l'intégration communautaire
|
Articles écrits en
collaboration avec Monsieur Rossetti di Valdalbero :
|
Les
enjeux de la "construction" européenne |
|
|
L'ancien premier ministre anglais Winston Churchill avait
l'habitude de dire que lorsqu'il devait parler deux minutes,
il avait besoin de deux jours pour préparer son exposé;
lorsqu'il devait parler deux heures, il pouvait prendre la
parole sur-le-champ. Bref, être concis est toujours
difficile.
Comment expliquer l'Europe, ses origines, ses rouages, ses
tenants et ses aboutissants en quelques minutes? L'architecture
peut nous aider dans cet effort de synthèse, de comparaison
et de simplification.
Trois grands piliers
Les soubassements de l'édifice européen se sont
ancrés au fil des siècles autour de trois grands
piliers globalement partagés sur tout le continent
européen et généralement reconnus par
les historiens: l'héritage gréco-romain, les
racines chrétiennes et les idées des Lumières.
Le ciment de la maison Europe se compose des principes découlant
de la «Déclaration des droits de l'homme»
qui ont été modelés dans les années
cinquante par les pères fondateurs.
Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide De Gasperi et Paul-Henry
Spaak voulaient une Europe démocratique et libre où
la concurrence et l'économie de marché seraient
accompagnées de mécanismes de solidarité.
On comprend ainsi la place accordée à la primauté
du droit, au respect de la personne humaine, à la libéralisation,
au soutien aux régions défavorisées,
bref aux positions et politiques menées par l'Union
européenne (UE) depuis plus d'un demi siècle.
Mélange hétéroclite, parfois insaisissable,
ces fondations et ce gros œuvre donnent pourtant toute
sa stabilité au bâtiment.
Le rez-de-chaussée est constitué des différents
traités européens: Paris en 1951, qui met en
commun le charbon et l'acier; Rome en 1957, qui crée
la Communauté économique européenne;
Bruxelles et Luxembourg en 1985 qui, avec l'Acte unique européen,
achèvent le marché intérieur et ses libertés
de circulation des personnes, des marchandises, des services
et des capitaux; Maastricht, en 1991, qui donne naissance
à l'union économique et monétaire, qui
lance la politique étrangère et de sécurité
commune et qui pose les premiers pans juridiques en matière
de justice et d'affaires intérieures; Amsterdam en
1997, qui accroît les matières «proches
des citoyens» comme l'emploi, la santé publique
ou les services d'intérêt général;
Nice en 2000 qui, tant bien que mal, adapte les institutions
et les processus décisionnels à la situation
de l'Europe du XXIe siècle; sans parler du «traité
constitutionnel» de Rome de 2004 et de ses avancées
significatives mais qui reste, pour le moment, en suspens.
Deux murs porteurs
Deux murs porteurs soutiennent l'édifice européen:
l'approfondissement et l'élargissement. Le premier
marque une plus grande «européanisation»
tant des institutions que des politiques de l'Union.
Le Parlement européen a acquis toujours plus de pouvoirs,
surtout depuis son élection directe à partir
de 1979, pour devenir un quasi-législateur; la Commission,
bras exécutif de l'Union, est toujours à mi-chemin
entre une simple administration et un véritable gouvernement
européen; le Conseil et le Conseil européen
ont pris leur forme d'institution à part entière.
Sur la base du fameux article 235, le «constituant permanent»,
et avec l'appui de la jurisprudence de la Cour de justice,
l'Union européenne a élargi au cours de ces
50 ans ses compétences dans des domaines tels que l'environnement,
la protection des consommateurs ou les réseaux transeuropéens.
L'élargissement a permis à l'Europe de se rapprocher
de sa dimension continentale que prédisaient des visionnaires
comme Victor Hugo ou Richard Coudenhove Kalergi. De l'Allemagne,
de la France, de l'Italie et du Benelux de l'origine, au Danemark,
à l'Irlande et au Royaume-Uni (1973), à la Grèce
(1981), à l'Espagne et au Portugal (1986), à
l'Autriche, à la Finlande et à la Suède
(1995), et finalement aux dix pays d'Europe centrale et orientale
(et du sud) qui ont adhéré en 2004: la petite
Communauté des «Six» est devenue la grande
Union des «Vingt-cinq».
Le premier étage de la construction est composé
de deux grandes pièces communicantes dénommées
«Espace Schengen» et «Zone Euro».
Vouées à s'agrandir (les «Vingt-cinq»
n'en font pas tous partie) et à être achevées
(circulation des travailleurs, gouvernance économique
européenne), elles procurent un grand sentiment d'appartenance
à leurs résidents.
Libre circulation des personnes sans entraves et monnaie commune
font que les Européens se sentent de la maison, sans
parler du confort qui leur est apporté: finis les désagréments;
finies les longues queues aux postes frontières; finies
les pertes aux bureaux de change, etc.
La gaine technique de l'Europe est constituée de tout
le corpus législatif européen - l'acquis communautaire
- et est quotidiennement gérée, entretenue et
améliorée par la Commission européenne
et ses Directions générales, par le Conseil
sous ses différentes moutures, ainsi que par les diverses
commissions parlementaires.
Il faut aussi souligner le rôle des différents
«comités» (représentant les Etats
membres) qui accompagnent la Commission dans l'exécution
de ses décisions et les centaines d'associations sectorielles
actives à Bruxelles qui donnent aussi leur input technique
tout au long du processus décisionnel européen.
D'un «Livre vert» (consultation des parties en
jeu) à une Communication (prise de position institutionnelle)
jusqu'à une directive (qualifiée de «loi
européenne» dans le Traité de 2004), à
travers les experts, les avis du Comité économique
et social et/ou du Comité des régions, les intérêts
nationaux et sectoriels sont pris en considération.
Au deuxième étage, deux chambres accaparent
80% du budget. La première, la politique agricole commune
(PAC), est âprement discutée. Considérée
comme vieillotte et dépassée ou en tout cas
poussiéreuse par certains, elle est indispensable aux
yeux des autres pour la sauvegarde des zones rurales et la
préservation d'un certain type d'alimentation. Partisans
de la globalisation («ailleurs, c'est mieux et moins
cher») et défenseurs du patrimoine («ici,
c'est le paysage et la qualité des produits qui est
en jeu») s'empoignent souvent dans cette salle. La deuxième
chambre s'est fort développée à la fin
des années 80. Pour Jacques Delors, la cohésion
économique et sociale - de façon concrète,
principalement les fonds structurels - devait être le
pendant du marché unique. Souvent remis en question,
les fonds structurels doivent continuellement s'adapter aux
nouvelles régions (hier l'Espagne et le Portugal, aujourd'hui
les pays d'Europe centrale et orientale) et aux nouveaux enjeux
(innovation et développement durable). Ceux qui passent
par cette chambre, qu'ils soient les résidents ou les
invités d'un soir, découvrent le charme de l'Europe
de la solidarité.
Quatre balcons
Quatre balcons donnent sur l'extérieur: la politique
étrangère et de sécurité commune
(PESC), l'aide au développement, l'aide humanitaire
et la politique commerciale commune.
Ils permettent à l'Europe de se projeter vers le monde
(ce que les «Vingt-cinq» veulent faire ensemble)
mais aussi de mettre en relief quelques points saillants de
la façade, ce que l'étranger voit en premier
lieu et qui l'aideront à se forger une opinion de l'Europe
(actions et idées promues par l'UE). Des symboles,
comme le drapeau de douze étoiles dorées sur
fond bleu hissé sur le balcon central, complètent
cette perspective.
Le troisième étage est encore neuf et inachevé.
Il concerne la recherche et développement (R&D)
et l'éducation en Europe.
Insufflé par le vicomte Etienne Davignon, le premier
programme cadre de R&D date de 1984. La Commission a proposé
de doubler le budget de son septième programme cadre
(2007-2013) et de dépenser - investir - ainsi 10 milliards
d'euros afin de se rapprocher des objectifs de compétitivité
fixés par la «Stratégie de Lisbonne».
Cependant, aujourd'hui, plus de 90% du budget dédié
à la recherche se trouvent encore entre les mains des
Etats membres (cf. Fonds national de la recherche scientifique
en Belgique, Centre national de la recherche scientifique
en France...).
Si les programmes Erasmus relatifs à la mobilité
des étudiants universitaires sont bien connus, il n'en
reste pas moins que l'éducation demeure une compétence
quasi exclusivement nationale, voire des Régions ou,
en Belgique, des Communautés.
Les citoyens européens, qui disposent d'une série
de droits depuis Maastricht, n'ont pas encore d'éducation
européenne, ni même de modules communs sur l'Europe.
Le toit de la maison Europe représente sans doute le
mieux la paix et la volonté de vivre ensemble. Il permet
qu'une petite intempérie (cf. minorité ethnique
dans un pays) ne vienne pas attaquer tout l'édifice,
qu'une brèche (cf. problème de frontières)
n'envenime pas les rapports entre les résidents, que
la mérule (cf. terrorisme) n'atteigne pas les principes
fondateurs. Pour beaucoup, les jeunes en particulier qui ont
toujours vécu sous un ciel clément dans l'UE,
le toit semble inutile. Il pourrait être supprimé
et transformé en terrasse panoramique plus propice
aux fêtes et aux divertissements mais sans doute moins
étanche et moins résistante pour faire face
aux orages (cf. nationalismes) et aux vents violents (cf.
racisme) susceptibles de venir de toutes parts.
Valeurs européennes
L'édifice européen est solide, à commencer
par ses fondations, que l'on pourrait identifier aux valeurs
européennes. Le rez-de-chaussée et les murs
porteurs (traités, approfondissement et élargissement)
ont permis à la construction communautaire de grandir
sans flancher. L'espace Schengen et la zone Euro constituent
deux belles pièces, agréables à vivre
et pleines d'avenir. La gaine technique, ou la «mécanique
communautaire», est parfois compliquée mais indispensable
au bon fonctionnement de toute maison moderne. La PAC et les
fonds structurels font l'objet de vifs débats et sont
en rénovation quasi permanente. Les balcons sont une
ouverture sur le monde utile tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur de la maison Europe. Le troisième
étage, celui de la recherche et de l'éducation,
doit encore subir de nombreux travaux afin de dévoiler
tout son potentiel pour la première, et pour forger
un substrat culturel commun pour la seconde. Finalement, le
toit est le plus précieux de la maison. Les maîtres
d'œuvre de demain ne doivent pas l'oublier.
Article paru dans l'Echo du 25 février 2006
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Europe : à vocation fédérale |
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Depuis
la déclaration Schuman du 9 mai 1950 jusqu’au récent
Traité constitutionnel signé le 29 octobre 2004
à Rome, les Chefs d’Etat et de gouvernement n'ont
jamais unanimement et explicitement fait référence
aux termes de « fédération » ou de
« confédération » européenne.
Les Etats - Six, Neuf, Dix, Douze, Quinze ou Vingt-cinq - ont
toujours préféré parler de « Communauté
» ou « d' Union européenne » (UE) pour
définir ce système politique et institutionnel
européen inédit que l’ancien président
de la Commission Jacques Delors qualifiait parfois avec le sourire
« d’OPNI » (Objet Politique Non Identifié).
Tout d’abord, essayons de définir le fédéralisme.
Il s’agit d’une forme d’organisation politique
qui s’efforce de trouver un équilibre entre les
exigences d’unité et de diversité. Il
ne signifie donc pas un abandon de souveraineté mais
de l’exercice en commun de cette souveraineté.
Il ne suppose pas la suppression des Etats qui restent essentiels
pour deux motifs: sans eux, il n'y aurait pas de fédération
et parce que la compréhension même du processus
d'intégration européenne se fait largement par
le biais du «prisme national». Bref, pour répondre
à la réalité de l’Europe tiraillée
tantôt par la volonté d’unification, tantôt
par le retour en force des Etats ou des régions, le
fédéralisme semble le système politico
institutionnel à privilégier.
Ensuite, où en est le fédéralisme en
Europe, qu’apporte le Traité constitutionnel
et quels arguments nous poussent à dire que l’Europe
est d’inspiration fédérale et qu’elle
est vouée à devenir une fédération
?
En premier lieu, les différents Traités - de
Paris (1951), de Rome (1957), de Maastricht (1992), d’Amsterdam
(1997) et de Nice (2000) - présentent de grandes similitudes
avec les Constitutions des Etats membres. On y retrouve les
dispositions relatives au territoire, à l’organisation
des pouvoirs, aux grandes libertés et aux modalités
de révision du texte fondateur. Le récent «
Traité de Rome II » va encore plus loin (intégration
de la Charte des droits fondamentaux, etc.) et va jusqu’à
porter le nom - très habilement choisi par le Président
de la Convention Valéry Giscard d’Estaing - de
« Traité constitutionnel ».
Secundo, le système de transfert de compétences
- exclusives et résiduelles - s’est fait de la
même façon dans l’UE que dans de nombreux
Etats fédéraux. A l’échelle européenne,
les Etats ont notamment passé de nombreuses compétences
à l’UE en vue d’établir un marché
intérieur. Il en va ainsi, par exemple, des mesures
pour supprimer les obstacles à la libre circulation
des marchandises, des personnes, des services et des capitaux,
en matière de politique commerciale commune, de politique
monétaire pour les pays de la zone euro, de règles
générales de la concurrence, d’organisation
commune des marchés agricoles ou d’éléments
essentiels de la politique des transports. Mis à part
ces compétences exclusives - d’attribution -
de l’Union, les autres sont « partagées
» entre l’UE et les Etats (environnement, cohésion,
sécurité et justice, etc.) ou « d’appui
», c'est-à-dire où l’UE n’intervient
que pour compléter les actions des Etats membres (culture,
industrie, tourisme, éducation, etc.). Le Traité
constitutionnel offre l’avantage de clarifier cette
distribution de compétences.
Tertio, la notion de subsidiarité trouve son application
dans la plupart des systèmes fédéraux.
Sur le plan européen, la subsidiarité a été
inscrite dans le projet « Spinelli » de Constitution
européenne - adopté par le Parlement européen
le 14 février 1984 - et reprise ultérieurement
dans le Traité de Maastricht et dans les différents
Traités successifs. L'UE est supposée assumer
les tâches que les Etats membres ne peuvent pas exercer
séparément ou qu’ils exerceraient avec
moins d'efficacité. En conséquence, l'action
de l'Union est subsidiaire à celle des Etats. L’application
rigoureuse de la subsidiarité s’inscrit parfaitement
dans la logique du fédéralisme: les pouvoirs,
les compétences, les devoirs et les obligations de
chacun sont répartis en fonction de leur plus grande
efficacité et proximité des citoyens.
Quarto, l’union monétaire, avec la responsabilité
supérieure de la Banque Centrale Européenne
au sein du Système Européen des Banques Centrales
(SEBC) est déjà de nature clairement fédérale,
et, le caractère officiel accordé par le Traité
constitutionnel à l’Eurogroupe ainsi que la nomination
pour deux ans de son président (actuellement Jean-Claude
Junker comme Monsieur Euro) accroît le caractère
fédéral de l’union économique et
monétaire. Ainsi, la construction européenne
dépasse le « sectoriel » : charbon et acier,
énergie atomique, barrières douanières.
Des prérogatives auparavant exclusivement nationales
– battre la monnaie et, peut-être demain les compétences
fiscales – passent progressivement à l’échelon
européen. De plus, comme tout Etat fédéral,
l’UE dispose d’une certaine autonomie financière
grâce à ses recettes et en particulier à
ses « ressources propres » (proportion de la TVA,
droits de douane, prélèvements agricoles, pourcentage
des PNB des Etats membres) même si dans ce domaine,
la situation laisse encore à désirer.
Quinto, avec le nouveau Traité constitutionnel, l’UE
peut sans doute être qualifiée « d’organisme
politico-institutionnel sui generis à vocation fédérale
». D’abord, parce qu’on y retrouve les deux
lois caractéristiques du fédéralisme:
la loi de l’autonomie et la loi de participation. La
première signifie que les entités fédérées
- Régions, Landers, Cantons, Communautés ou
Etats si on parle de l’Europe - ont des compétences
propres et un mode d’organisation avec des pouvoirs
exécutif, législatif et parfois judiciaire particuliers.
La loi de participation indique que les composantes fédérées
sont associées à l’énonciation
de la volonté fédérale. Au niveau européen,
ces lois d’autonomie et de participation sont fort ressenties
puisque les Etats gardent beaucoup de compétences et
qu’à travers le Conseil des Ministres, ils participent
largement à la volonté de l’Union.
Sexto, deux ordres juridiques - des entités fédérées
et de l’Etat fédéral - coexistent dans
la plupart des systèmes fédéraux à
travers un système bicaméral. La composition
et les propositions de la Commission européenne sont
ainsi soumises à l’approbation du Conseil et
du Parlement européen. Le Traité constitutionnel
rapproche cette situation du système bicaméral
classique en réservant une approbation de la population
au sein du Parlement et des Etats (au sein du Conseil) où
le vote - selon des pondérations complexes - est remplacé
par le principe « un pays un vote » pondéré,
il est vrai, par un facteur qui tient compte de l’importance
de leur population. Si ce système original n’est
pas tout à fait conforme aux principes fédéraux,
il s’en rapproche toutefois beaucoup.
Septimo, au niveau européen, conformément à
la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne,
le droit communautaire prime sur le droit des Etats alors
qu’il y souvent équipollence des normes au sein
d’un Etat fédéral. En Belgique par exemple,
la loi (nationale) et le décret (régional ou
communautaire) sont sur un pied d’égalité.
Il faut aussi rappeler que la Cour de Luxembourg incarne non
seulement les fonctions de juridiction internationale mais
elle est aussi la garante de l’unité d’interprétation
du droit communautaire (comme les Cours de Cassation dans
la plupart des Etats), de la légalité des règlements
(comme le Conseil d’Etat en Belgique), et du respect
de la Constitution par les législateurs (Cours Constitutionnelles
ou, en Belgique, Cour d’Arbitrage).
En dernier lieu, toute fédération comporte
une dialectique interne et permanente entre les forces centrifuges
(au niveau des Régions, des Landers, des Cantons, des
Communautés ou des Etats) et les forces centripètes
visant à renforcer le pouvoir des institutions communes
(fédérales). Depuis le début de la construction
européenne, cette dialectique est bien présente.
Les Etats ont toujours voulu garder leurs prérogatives
(cf. à titre illustratif les nombreux exemples de la
France du Général de Gaulle, de la Grande-Bretagne
de Margaret Thatcher, de l’Espagne de José-Maria
Aznar) alors que les institutions européennes essayaient
de prendre de l’ampleur. Le cas du PE est flagrant :
d’un pouvoir simplement consultatif, il s’est
vu attribuer un pouvoir budgétaire pour progressivement
assumer un pouvoir de coopération et finalement de
codécision.
En conclusion, l’Europe semble décidément
plus fédérale que confédérale
sur le plan juridique même si l’énorme
point noir de la construction communautaire et du Traité
constitutionnel - l’unanimité - demeure dans
de trop nombreuses politiques. L’Europe est en constante
évolution et commence à se rapprocher politiquement
et institutionnellement du système préféré
des fédéralistes européens : celui où
la supranationalité et la subsidiarité vont
de pair, celui qui concilie bien commun européen et
respect des diversités nationales et régionales.
Si l’Europe a donc clairement une vocation fédérale,
il lui reste à mieux refléter, aux yeux des
citoyens, une véritable « souveraineté
européenne ».
Domenico Rossetti di Valdalbero, Jean-Jacques Schul, Michele
Ciavarini Azzi, Hubert de Viron, Pietro Emili, Claire Lodor,
Yannick Bollati, Ivan Govers, Giordana Bruno, Pierre Bodiaux,
Marcello Accorsi, Vjekoslav Smrkulj et Matteo Borsani
Union des Fédéralistes Européens-Belgique
(fr.)
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Le
patriotisme, ferment de l'Europe. |
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Après
la chute du Mur de Berlin, une notion faisait presque l’unanimité
entre les spécialistes des affaires communautaires :
celle du binôme élargissement-approfondissement.
D’un côté, les conditions historiques étaient
telles qu’il apparaissait inéluctable que la maison
Europe allait s’agrandir et compter à présent
deux étages : celui des Douze de l’époque
(la Suède, la Finlande et l’Autriche n’étaient
pas encore dans l’Union) et celui des nouvelles démocraties
d’Europe Centrale. Le Président Mitterand et le
Chancelier Kohl parlaient d’un devoir historique. De l’autre
côté, afin d’éviter que l’Europe
ne devienne une simple zone de libre-échange, il était
impératif que des avancées fortes dans l’intégration
européenne accompagnent cet élargissement sans
précédent. Poussé par la Commission Delors,
le Traité de Maastricht prendra acte de cette nécessité
et permettra d’aboutir notamment à la monnaie unique.
Depuis plus de dix ans, il semble admis - ou en tout cas
trop peu mis en évidence - que l’efficace concept
d’élargissement-approfondissement perde sa deuxième
moitié. Ne marchant plus que sur une jambe, l’Europe
allait tituber d’Amsterdam à Rome en passant
par Nice. Des avancées, il y en aura dans presque tous
les domaines : institutionnel, économique, social et
politique y compris dans des matières aussi délicates
que la justice et les affaires intérieures ou la politique
étrangère, de sécurité et de défense
commune. Mais il faut se méfier des petits pas sans
vision. Le grand écart et l’immobilisme sont
au tournant. Les pères fondateurs de l’Europe,
anciens ou récents, savaient qu’il fallait avancer
doucement mais ils avaient aussi une perspective : la paix,
le grand marché ou l’euro par exemple.
Aujourd’hui, à force d’être pragmatique,
il semble qu’à chaque conférence intergouvernementale,
sous des termes parfois opaques (contributeur net, minorité
de blocage, …), les débats tombent d’un
cran : tu me donnes X, je te rends Y, il obtient Z. Et s’il
n’est pas question de marchandage, les questions deviennent
à ce point technique que le quidam n’y voit pas
beaucoup d’intérêt. Quel serait le taux
de participation des citoyens européens à un
référendum sur des questions du type : L’Europe
doit-elle disposer d’une enveloppe budgétaire
de 1,15% ou 1,21% du revenu national brut ? Préférez-vous
une repondération des voix au Conseil ou un rééquilibrage
proportionnel à la population au Parlement européen
?
Fédéralistes européens convaincus,
nous estimons qu’il est temps que l’Union se donne
un objectif ambitieux. D’après nous, il faut
que l’Europe essaie de développer le patriotisme,
ce sentiment noble qui a forgé les nations et qui peut,
au XXIème siècle, refléter l’identité
européenne. Ce patriotisme devrait évidemment
être constitutionnellement et institutionnellement encadré
pour éviter toute déviance ou tout risque de
dégénérescence en fanatisme. Mais nous
sommes confiants qu’un véritable patriotisme
européen serait seul enclin à répondre
aux défis de l’Europe de demain et à relancer
le couple élargissement – approfondissement.
Cela pour six raisons :
Un, la Constitution. Lorsque le seul mot Constitution européenne,
norme suprême, semble être accepté par
tous les Etats – y compris le Royaume-Uni – et
que 77% de la population y est favorable (Eurobaromètre
de février 2004), n’est-ce pas là une
manifestation des liens forts qui existent entre citoyens
de Nations différentes et une preuve de la volonté
d’un vivre ensemble ? N’est-ce pas là une
démonstration qu’il existe déjà
un embryon de patriotisme européen ? Il faut à
présent urgemment adopter cette Constitution pour ne
pas laisser la possibilité aux égoïsmes
nationaux de reprendre le dessus.
Deux, le gouvernement. L’Union définie par son
caractère sui generis ou son triangle institutionnel
(Commission, Parlement, Conseil) - assez éloigné
de la séparation des pouvoirs de Montesquieu - est-elle
facile à saisir ? Si l’idée d’un
gouvernement fédéral européen avec un
Exécutif clair, un Législatif bicéphale
(Chambre des Etats et Chambre du Peuple européen) et
un pouvoir judiciaire indépendant semble aller de soi
comme pendant à la Constitution européenne,
il demande - afin d’être légitimé
- une intensification du sentiment d’appartenance commune,
du patriotisme européen.
Trois, les frontières. Qu’il s’agisse
de la Turquie, du Caucase, voire de la Russie, d’Israël
ou du Maroc, où s’arrêtera l’Europe
? Si les arguments géographiques ou religieux ne sont
pas convaincants, sans doute un patriotisme européen
- révélé par exemple lors d’une
consultation populaire - pourrait-il aider à tracer
les frontières de notre Union ou Communauté.
Fondé sur un substrat culturel chrétien et enraciné
dans la philosophie de la raison, ce patriotisme reposerait
notamment sur des valeurs telles que le respect des minorités,
l’état de droit ou la fraternité avec
les marginalisés.
Quatre, le protagonisme mondial. A l’heure des chocs
entre civilisations, qui peut faire face au leadership idéologique,
militaire, économique et culturel des Etats-Unis ?
Sans un patriotisme européen fort, l’Europe,
puissance pacifique - mais puissance quand même - aura
des difficultés à imposer sa conscience morale
et son corollaire pratique : multilatéralisme plutôt
qu’unilatéralisme, négociation plutôt
que coercition, diplomatie plutôt qu’usage de
la force.
Cinq, la démographie. Même si l’idée
semble conservatrice et parfois mal interprétée,
comment affronter les questions de vieillissement de la population
et des flux migratoires extérieurs sans une certaine
dose de patriotisme européen ? Pour rappel, vers 1950,
l’Europe représentait 22% de la population mondiale
; aujourd’hui, son poids est de 12% et en 2050, elle
risque de n’en peser que 6%. Au niveau interne, au cours
des cinquante prochaines années, l’Europe perdra
plus de 60 millions d’actifs alors que les personnes
âgées augmenteront de près de 50 millions.
Six, la cohésion. Au-delà du modèle
social européen, au moment des choix décisifs
sur les politiques européennes à mener, qui
acceptera de continuer à consacrer un tiers du budget
communautaire aux fonds structurels qui incarnent la solidarité
entre plus riches et plus pauvres ? Pour être viable,
cette cohésion économique et sociale a pourtant
besoin d’un socle d’identité commune, d’un
vouloir vivre ensemble. L’Europe se rapproche de celle
dont parlait Montesquieu: « une nation composée
de plusieurs nations dont chacune à besoin de l’autre
».
Notre souhait est que le bien commun européen prenne
le dessus sur les intérêts nationaux. Celui-ci
mérite notre adhésion. La relance de l’intégration
européenne, déjà à Quinze mais
encore plus à Vingt-cinq, passe par le développement
d’un patriotisme européen. Inspiré des
valeurs universalistes de l’Europe, loin d’être
enfermé sur lui-même, ce patriotisme sera ouvert
sur le monde. Il s’accommodera très bien d’une
Constitution et d’un gouvernement européen. Il
permettra de mieux définir nos frontières et
de placer l’Europe au centre de l’échiquier
international. Il limitera probablement la débâcle
démographique et assurera la solidarité sur
le long terme. Enfin, en évitant en même temps
une dilution de l’Europe et un Directoire européen
(où seules quelques grandes nations décident
de l’avenir de tout le continent), il remettra sur pied
le binôme élargissement-approfondissement et
relancera l’Europe politique.
Par Gérard Deprez et Domenico Rossetti di Valdalbero,
respectivement Député européen et Secrétaire
général de l’Union des Fédéralistes
Européens (Belgique, fr.)
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L'Union,
légitime espace politique des Européens.
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Alors
que l’Union européenne (UE) se prépare à
son plus grand élargissement et qu’elle est l’objet
d’un intense débat de fond au sein de la Convention,
il semble utile rappeler certaines de ses spécificités,
trop souvent méconnues ou oubliées, et de déceler
ainsi la forme politico-institutionnelle qu’elle commence
à s’approprier.
Déficit démocratique ou triple légitimité
?
Du point de vue démocratique, le Parlement européen
élu au suffrage universel depuis 1979 se compose de
députés européens. S’il est encore
trop tôt aujourd’hui pour parler d’un peuple
européen formant un véritable « corps
» tel la Commune, la Région ou l’Etat selon
les circonstances, il est un fait que la citoyenneté
européenne existe au niveau du choix démocratique
des élus et que la barrière de la nationalité
a été formellement abolie depuis Maastricht
(une femme ou un homme politique belge peut ainsi se présenter
sur une liste électorale de son pays ou d’un
des autres Etats membres de l’UE).
Le Conseil des Ministres de l’UE, l’autre branche
du pouvoir législatif européen, jouit également
d’une légitimité populaire, même
si indirecte. En démocratie parlementaire, les Ministres
sont responsables devant leur peuple (national cette fois)
qui, au travers d’un Parlement élu, lui accorde
sa confiance.
Les intérêts particuliers, corporatistes ou
des entités locales, sont aussi représentés
à l’échelon européen. Le Comité
Economique et Social réunit tant les employeurs que
les syndicats et les autres forces de la société
civile, notamment les organisations non gouvernementales (ONG)
; le Comité des Régions permet aux entités
locales de faire valoir leurs positions. Les avis des ces
institutions améliorent non seulement la qualité
des initiatives communautaires mais surtout les rendent plus
« concomitantes » aux réalités du
terrain.
La capacité technique de la Commission européenne
et des différents comités (tant des Représentants
Permanents que ceux de consultation, de gestion et de réglementation
qui accompagnent la Commission dans l’exécution
de ses missions) fournit à l’UE la garantie de
décisions objectives, rigoureuses et fondées
sur le respect de l’intérêt général
européen, celui des Etats membres et celui des divers
secteurs concernés. En outre, dans un monde toujours
plus complexe et surinformé, cette technocratie (terme
trop souvent péjorativement utilisé) sert de
prisme par lequel des questions éminemment techniques
viennent traduites de façon politique et compréhensible
à l’opinion publique.
Tour d’ivoire ou règne de la transparence ?
Tout d’abord, de par son processus législatif
sui generis, le système politico-institutionnel et
administratif européen est exemplaire quant à
son ouverture sur le monde extérieur. Le seul suivi
des publications au Journal Officiel des Communautés
Européennes (JOCE) permet à tout un chacun d’être
parfaitement au courant et même parfois de participer
à la législation européenne. Ainsi, dans
l’ordre chronologique, un Livre Vert lance le débat
aux parties en jeu (« stakeholders » en anglais)
qui ont l’opportunité de s’exprimer directement
à la Commission ou un Livre Blanc donne les pistes
d’action envisagées (telles mesures proposées
afin d’atteindre tels objectifs) ou une Communication
indique la politique avancée par la Commission. Ces
documents n’ont pas de force contraignante mais ils
offrent l’avantage de discuter des futures politiques
en amont des décisions formelles du législateur
européen. Viennent ensuite, par exemple, les Propositions
de directive où les grandes lignes politiques des documents
précédents sont précisées en objectifs
quantifiés, répartis par Etats membres, par
années, etc. Finalement, les Directives proprement
dites (juridiquement contraignantes) sont adoptées
par le Parlement européen et le Conseil après
avis du Comité Economique et Social et/ou du Comité
des Régions.
Ensuite, quelle autre administration que celle communautaire
dispose d’autant de fonctionnaires que d’interlocuteurs
de la société civile? Entre Bruxelles, Luxembourg
et Strasbourg, 20.000 fonctionnaires européens font
tourner la machine communautaire (législation, politiques,
programmes). Les lobbystes sont certainement aussi nombreux.
Sous ce vocable, les représentants d’industries,
des forces sociales, des régions, d’associations
et d’ONG de tout secteur et de tout pays de l’UE
et bien au-delà, essaient évidemment d’influencer
le processus décisionnel communautaire à leur
avantage mais permettent surtout un échange fructueux
et quasi-permanent entre l’administration européenne
et les acteurs socio-économiques. Bref, tout comme
la technocratie, le terme lobbying est employé trop
fréquemment de façon négative alors qu’il
reflète de façon opérationnelle un processus
par lequel les décisions « collent à la
réalité » (cf. faisabilité économique,
acceptabilité sociale, désirabilité environnementale).
Troisièmement, l’accès aux documents
de l’UE mérite d’être mentionné.
Qu’il s’agisse d’informations générales,
de législation communautaire ou de publications techniques,
les Info Points, les Centres de Documentation Européenne
et les sites Internet (comme http://europa.eu.int) fournissent
une quantité et une qualité de l’information
qu’envient de nombreuses organisations publiques locales,
régionales ou nationales. Le fait que Bruxelles soit
l’une des villes les mieux couvertes par la presse internationale
(cf. nombre de journalistes accrédités auprès
de l’UE) et que tous les politiques et fonctionnaires
européens disposent d’une adresse électronique
facilite encore la communication entre l’Europe et l’opinion
publique.
Fédération européenne ouverte ?
Les écrits d’Hamilton, Madison et Jay à
la fin du XVIIIème siècle aux Etats-Unis sont
assez révélateurs pour l’Europe d’aujourd’hui.
Comment concilier les souverainetés contradictoires
de l’ensemble (UE) et des parties (Quinze et demain
Vingt-cinq Etats membres) ? Une Constitution européenne
s’avèrerait certainement utile, notamment pour
partager et délimiter les compétences nationales
(voire régionales) et européennes. La majorité
qualifiée (et l’élimination de l’unanimité)
comme règle serait certainement la bienvenue pour privilégier
la valeur européenne sur la valeur nationale. L’accroissement
des compétences du Parlement européen renforcerait
adéquatement le poids politique du peuple européen.
La subsidiarité comme principe de base indiquerait
pertinemment l’échelon de pouvoir à appliquer.
Mais au-delà de ces idées, maintes fois répétées
à juste titre par les Fédéralistes européens
(de Spinelli à Herman), il faudrait aussi et avant
tout repenser la démocratie européenne en étendant
la question du Qui fait quoi (UE ou Etats membres en Europe).
Si au XXIème siècle, le Pourquoi de l’action
européenne semble aller de soi (problèmes de
dimension supranationale et au moins continentale comme l’environnement,
l’immigration, la santé, le commerce, le crime
organisé, etc.), les citoyens européens sont
toujours plus préoccupés par le Comment.
Sans même parler des diverses procédures formelles,
par exemple celle de la co-décision qui implique tant
la Commission que le Conseil et le Parlement européen,
les initiatives prises par Bruxelles sont parmi les plus discutées
qui soient tant politiquement (commissaires, députés,
ministres) que techniquement (fonctionnaires et experts).
Par ses procédures et ses pratiques ad hoc, l’UE
parvient à préserver l’intérêt
général européen (Commission, Parlement
européen) tout en considérant les intérêts
des différents Etats membres (Comité des Représentants
Permanents, Conseil, Comités) et des acteurs en jeu
(notamment à travers les Livres Verts). Bref, à
travers la question du « Comment sont prises et appliquées
les décisions européennes » et ses réponses
en termes de triple légitimité (démocratique,
corporatiste/locale et technique) et de transparence (processus
législatif, lobbying, accès à l’information),
l’UE s’oriente petit à petit vers une fédération
européenne ouverte et responsable vis-à-vis
de l’ensemble de ses citoyens.
Gérard Deprez et Domenico Rossetti di Valdalbero
(respectivement Député européen et Fonctionnaire
européen s’exprimant à titre personnel)
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EUROPE
ET TURQUIE : MARIAGE DIFFICILE. |
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Depuis
la décision du Sommet de Copenhague (12-13 décembre
2002) d’élargir l’Union européenne
(UE) aux pays d’Europe centrale et orientale, la «
question turque » suscite d’houleux débats
dans les capitales des Quinze Etats membres. Partisans et opposants
à l’adhésion de la Turquie à l’UE
s’expliquent, se justifient et s’affrontent. L’objectif
n’est pas ici de prendre position mais d’exposer
de la façon la plus exhaustive possible les raisons qui
sous-tendent les « oui » et les « non »
à la Turquie. Le lecteur, en connaissance de cause, pourra
ainsi forger son opinion.
Le premier argument est d’ordre géographique
: pour les opposants à l’adhésion, la
Turquie n’étant que seulement partiellement sur
le continent européen (jusqu’au détroit
du Bosphore et des Dardanelles) ne remplit pas le critère
d’Etat européen et cette « exception géographique
» ouvrirait la porte à d’autres demandes
émanant de pays comme le Maroc ou Israël ; pour
les partisans de la Turquie dans l’UE, de nombreux cas
spéciaux existent déjà pour des raisons
historiques et Ankara est éligible au même titre
que la Réunion, Ceuta ou la Guyane française.
Le second argument relève de la démocratie
: pour les uns, les décisions en Turquie ne sont pas
véritablement démocratiques puisque prises par
un Conseil National de Sécurité composé
en partie de militaires et ce lien entre le pouvoir politique
et l’armée ne semble pas prêt d’être
tranché ; pour les autres, Ankara suscite l’admiration
au Moyen-Orient notamment en ce qui concerne le processus
d’élection libre (depuis 1983) et la lutte contre
le fanatisme et l’islamisme.
Le troisième argument s’apparente aux droits
de l’homme : d’un côté, ceux qui
estiment que des droits fondamentaux comme la liberté
de presse (par exemple, pour les affaires kurdes) ou le traitement
des prisonniers et les conditions d’incarcération
ne satisfont pas aux critères européens ; de
l’autre, ceux qui mettent en évidence les récents
progrès accomplis par la Turquie (abolition de la peine
de mort, levée des restrictions sur les langues minoritaires,…),
la diversité des organes de communication (une vingtaine
de télévisions, un millier de radios, plusieurs
quotidiens) et le fait qu’Ankara soit membre du Conseil
de l’Europe depuis 1950.
Le quatrième argument touche à l’identité
culturelle et religieuse : les opposants à l’adhésion
turque insistent sur l’aspect proprement occidental
et chrétien de l’UE (mode de vie, type de société,
civilisation, etc.) alors que les partisans de l’adhésion
mentionnent la laïcité de l’Etat turc depuis
la proclamation de la République par Mustapha Kemal
en 1923 (suivi de profonds changements « occidentaux
» - calendrier grégorien, alphabet latin, casquette
au lieu du turban, etc.) et l’intérêt de
s’ouvrir à un pays musulman - notamment aux yeux
du monde arabe - pour démontrer le caractère
multiculturel et multiconfessionnel de l’Europe.
Le cinquième argument soulève une problématique
économique : ceux qui ne veulent pas de la Turquie
dans l’UE font remarquer les 70 millions d’habitants
et la dimension du pays (superficie égale à
celle de la France et de la Grande-Bretagne réunies)
associée à une infrastructure insuffisante (autoroutes,
aéroports,…), une population active largement
agricole (46%) et une richesse par habitant cinq fois inférieure
à la moyenne communautaire, d’où, en cas
d’adhésion, un coût pour l’UE probablement
plus élevé que celui consacré au prochain
élargissement à dix pays d’Europe centrale
et orientale, un risque de débâcle de la politique
agricole commune et des fonds structurels ; les personnalités
en faveur de l’adhésion turque parlent du faible
taux de naissance de l’UE et de la pénurie de
main d’œuvre pour l’avenir (explosion du
système des pensions) qui pourrait être comblée
en partie par des travailleurs turcs qualifiés.
Le sixième argument a trait à la géopolitique
: pour certains, avec la Turquie, les frontières de
l’UE - aux portes de l’Iran - deviendraient ultra-sensibles
et les risques d’importer des crises augmenteraient
(Kurdes, Haut-Karabakh,…); pour d’autres, au contraire,
la Turquie – membre de l’OTAN depuis 1952 –
dans l’UE serait une source de stabilité régionale
(intégration dans les mécanismes européens
sur le plan diplomatique et surtout économique dont
elle est déjà associée depuis 1963 et
dans les rouages atlantiques pour les questions de sécurité
et de défense).
Le septième argument est démographique et institutionnel
: demain avec plus de 80 millions d’habitants, la Turquie
sera le pays le plus peuplé d’Europe (récession
démographique attendue en Allemagne) et ayant dès
lors le plus de voix au Conseil des Ministres de l’UE
et le plus de députés au Parlement européen
; ceux en faveur de la Turquie expliquent que dans une Europe
élargie à plus de 500 millions d’habitants,
les Turcs n’auront pas plus de poids que les Allemands
dans l’Europe des Quinze et que, de toute façon,
les majorités et les « minorités de blocage
» seront revues à la hausse.
Le dernier argument concerne l’immigration et l’opinion
publique : pour les uns, la Turquie dans l’UE signifie
– avec la libre-circulation des personnes – des
milliers voire des millions de migrants venir dans les zones
économiquement plus prospères d’Europe
et engendrer de graves problèmes sociaux (intégration)
; les personnes favorables à l’adhésion
turque insistent sur la mobilité réduite - historiquement
prouvée - entre Etats membres, en tout cas pour les
couches sociales défavorisées, pour des raisons
de langue, de foyer, de famille, etc.
Bref, et sans parler de la présence armée turque
à Chypre depuis 1974 où opposants et partisans
de l’adhésion concordent, la question turque
est bien ouverte. A long-terme, la réponse qui lui
sera donnée par les Chefs d’Etat et de Gouvernement
européens – et in fine par les citoyens européens
à travers les référendum ou par l’intermédiaire
de leurs parlements - transformera les mentalités tant
en Turquie que dans l’UE.
Gérard Deprez et Domenico Rossetti di Valdalbero
Président et membre de l’Excécutif du
MCC (MR)
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