J'avais deux ans en 1945

J'avais deux ans en 1945. A cette époque - mais bien évidemment, je ne l'ai appris que plus tard - mon village a été détruit par des Européens, mon père a été fusillé par des Européens, ma famille a été décimée par des Européens.

Longtemps après ces terribles événements qui m'ont marqué au fer rouge et, une fois épuisée la haine que j'ai dû combattre au plus profond de moi-même, j'ai tiré de notre histoire quelques réflexions que je souhaite partager avec vous.

I. Nous, les Européens, nous nous sommes livré des guerres sans merci. Le nationalisme exacerbé, la volonté de puissance des Etats ont engendré, sur le continent européen, les guerres "civiles" les plus effroyables de l'histoire.
La construction d'une véritable union entre les peuples et les Etats européens est le seul remède contre la résurgence, toujours possible, de nos pathologies criminelles.

II. Nous avons eu besoin du sacrifice des gars du Wisconsin ou du Texas pour rétablir la paix entre nous. Les Américains, qui ont été nos libérateurs, sont depuis toujours nos alliés. Il ne faut pas vouloir en faire des adversaires. En construisant l'Europe politique, l'objectif n'est pas d'affaiblir les Etats-Unis. L'objectif, c'est de pouvoir se passer d'eux quand nos seuls intérêts sont en cause et d'agir avec eux quand les intérêts communs aux démocraties du monde occidental l'exigent.

III. Pour construire cette Europe, puissance en même temps que partenaire, il faut le vouloir et y consacrer beaucoup d'énergie. L'Europe politique ne sera pas un cadeau déposé à nos pieds par un père Noël bonhomme et providentiel. La construction de l'Europe est et restera un combat.

Un combat d'abord contre ceux qui ne la veulent pas parce qu'ils rêvent d'en revenir à la grandeur des Etats nations d'hier dont nous savons pourtant qu'ils nous conduiront au pire.

Mais un combat aussi contre ceux qui la veulent à ce point large et hétérogène qu'ils risquent de la rendre à tout jamais incapable de parler d'une seule voix et d'agir d'un même élan.

Ce combat historique et démocratique nous le mènerons avec toutes celles et tous ceux pour qui l'Europe n'est pas seulement un tiroir caisse pour les moins développés, ni un grand marché dont profitent d'abord les mieux nantis et les mieux formés, mais d'abord et avant tout une civilisation créée par et pour les citoyens.

C'est le voeu que je souhaite partager avec vous à l'aube de cette année nouvelle.
Meilleurs voeux à toutes et tous pour 2005.

Gérard Deprez
Ministre d’Etat, Député européen

 


  Gérard DEPREZ, Sénateur, Président du MCC. 50 rue de la Vallée, 1000 Bruxelles. Tél: 02/642 29 99 - Fax: 02/642 29 90.